La crise économique actuelle va-t-elle dans le sens d’un effort mondial au profit du développement durable?

Geneviève Férone photo JM Laugery

Il faudrait le souhaiter ! En regardant la situation de près on peut lire, en effet,  que les plans de relance annoncés partout dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été aussi verts. Cependant, il existe une grande incertitude sur le montant de ces investissements consentis et les délais de mise en œuvre.

Disons que nous sommes placés dans une situation paradoxale; d’un côté, nous savons qu’il faut réinventer les chemins de la croissance, que nous nous trouvons face à des défis nouveaux nécessitant une rupture avec nos modèles économiques dominants ; d’un autre côté, nous sommes dans une situation tellement inédite que nous n’avons plus de repères, ni beaucoup de temps, et nous sommes donc tentés de reproduire ce qui nous a conduits à une impasse.

(2030, le krach écologique, votre dernier ouvrage, montre l’enjeu de la position des deux super puissances naissantes, la Chine et l’Inde, dans la lutte contre le réchauffement climatique.)

 

Quels arguments pourraient les convaincre de passer rapidement de la centrale à charbon aux énergies propres?



En premier lieu, il ne peut y avoir d’arguments fondés sur une approche « morale » occidentale. Ensuite, les Chinois et les Indiens vivent sur la même planète que nous et, sur certains sujets environnementaux et technologiques, ils ont atteint le même degré de maturité que les Européens;

Comme nous, ils sont au fait des technologies alternatives et comme nous, ils savent que rien pour l’instant ne peut remplacer, à usages constants, le pétrole et surtout le charbon. Passer par la case sobriété et économies d’énergie parait compliqué pour des pays qui sont encore en décollage économique. Leur  ligne d’horizon, c’est celle de la pauvreté, pas celle du climat.

Mais si des mesures drastiques doivent être prises, de ces deux pays, c’est certainement la Chine qui nous surprendra. On peut imaginer que leur système politique permettra de mettre en œuvre des mesures énergétiques environnementales avec un fort effet de levier. Ceci parait peu probable en Inde où les structures institutionnelles sont beaucoup plus diffuses. Encore faudrait-il que l’instinct de survie soit aiguisé en raison d’une double crise  écologique et économique et surtout que les technologies de substitution soient disponibles rapidement …et pour l’instant ce n’est pas le cas.

(Vous-même, en tant que directrice du développement durable de Veolia Environnement)

Vivez-vous parfois des conflits d’intérêt entre ceux de votre entreprise et l’intérêt général?

Les contradictions, les arbitrages, les conflits, les frustrations, sont une donnée permanente et quotidienne quand on travaille sur des sujets de Développement Durable, tout simplement parce que la vie des entreprises, celle des marchés financiers, répondent à des codes de court terme où les externalités environnementales ne sont pas prises en compte dans les outils de reporting. Il faut à la fois créer de nouveaux indicateurs de valorisation d’actifs mais aussi développer une approche systémique des enjeux auxquels nous sommes confrontés localement.

Chez Veolia Environnement, j’ai la chance de travailler dans une entreprise où les quatre métiers (eau, énergie, transport et propreté) sont déjà orientés selon des logiques transversales, dans un pas de temps plutôt long. C’est un champ d’expérimentations et d’actions stimulant, surtout sur le plan social car nous travaillons au plus près du terrain et des populations, partout dans le monde.

———————————————————————————————————————————–

Geneviève Ferone interviendra le jeudi 27 août à 10h30 à l’Université Hommes-Entreprises sur le thème:

 » Ré-inventer le progrès »