Voici un article, fort bien écrit, d’un étudiant de l’Inseec, François-Xavier Garraud.

« Le courage à contre courant »

Pour introduire son intervention, le philosophe et dramaturge Fabrice Hadjadj utilise l’image du saumon remontant à contre courant la rivière. Parler de courage à l’heure actuelle est aussi difficile que la trajectoire du poisson lorsqu’il nage dans le sens inverse des flots. Si l’on va à contre courant, c’est contre un courant plus profond qui va à un essentiel qui peut parfois être effrayant.  Notre courage peut être apparent, on peut même y trouver du bien-être et un certain épanouissement, mais il est souvent déconnecté de son sens premier et simplement nous faire tourner en rond. Si l’on est dans une logique de puissance, on n’est plus dans la notion de courage. Il ne peut prendre son véritable sens que quand le sujet est vulnérable et que l’acte est difficile et ardu. Alors, le courage est-il encore possible dans notre monde plongé dans le calcul ?

         Il est possible d’aller à contre courant à partir du moment où l’on a des valeurs profondes qui permettent d’avancer. Tel James Bond dans le film Skyfall, un héros force l’admiration par son courage lorsqu’il est dans une position de faiblesse, mais c’est d’œuvrer pour le bien qui le projette dans l’action héroïque. Il faut par contre admettre que le courage n’a rien à voir avec la gestion des risques. Le risque est l’effet de l’incertitude du risque et il n’existe que par rapport à un projet. Même si les projets et la réussite sont parmi les meilleures manières de voir l’existence, la vie ne se réduit-elle qu’à cela ? Ce n’est pas qu’une histoire de calcul mais de rencontre. Il faut donc s’ouvrir à l’existence et à la rencontre d’un bien que l’on n’avait pas prévu. Le premier courage est celui qui est lié et ouvert à la vie. C’est aussi l’ouverture à l’ingérable. Il faut aussi parler de la vertu des biens car si l’on se pose la question sur la valeur et le courage, c’est que l’on reconnait que la vie est dure. On sort alors d’une forme de moralisme.

         Saint Augustin dit que la vérité éclaire. Le pessimiste et l’optimiste n‘ont pas le courage de faire la lumière sur eux-mêmes et sur leur propre vie. Or il n’y a de courage que là où il y a un cœur. Rappelons que c’est l’étymologie même du mot courage. Que trouver au cœur de ma vie ? Quel est le pourquoi de mon existence ?  Il faut du courage pour penser au courage. Attention d’ailleurs à ne pas confondre audace et courage. Le courage est en vue du bien et va dans le bon sens. C’est le fruit de la réflexion du « pourquoi » qui permet de sortir du « comment ». Il existe un lien intime entre le courage et la mort. La question n’est pas de savoir pourquoi gagner sa vie, mais plutôt pourquoi ne pas la perdre. « Plus un homme est vertueux, plus il a peur de perdre sa vie » (Aristote).

         Notre condition humaine nous pousse à chercher en permanence une forme de bonheur alors que nous sommes bien souvent confrontés à la souffrance puis à la mort. Mais le courage est de  regarder en face la vie, revenir au cœur et au sens de notre passage sur la terre, de mourir pour un bien, pour la justice ou pour la vérité. Il faut que notre mort devienne une offrande. Il ne s’agit donc plus de se demander pourquoi réussir sa vie, mais pour qui et comment perdre sa vie. Le courage devient une ouverture à la grâce, une foi en la vie. Si tel n’est pas le cas, il ne peut y avoir que du découragement.

 

François-Xavier GARAUD

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