Les premiers jours de janvier ont vu s’agiter un certain nombre de cadors politiques sur le sujet des 35 heures.

C’est une bonne chose que des élus aussi expérimentés que Valls, Coppé, Juppé, …  s’expriment au sujet des 35 heures, mais le sujet est bien trop important pour le laisser aux seuls politiques, aussi brillants soient-ils, car, n’oublions pas, ils sont avant tout au service des citoyens.
Il est donc encore plus important que les premiers concernés s’expriment et en particulier ceux qui dirigent les entreprises.

Ayant eu à prendre la décision de mettre le CECA aux 35 heures à mon arrivée fin 2001, je me sens particulièrement  concerné par le sujet.

Mon prédécesseur ayant décidé d’anticiper sur cette loi, avait fait passer l’équipe aux 37 heures… avec une dizaine de jours de « RTT » par collaborateur !

 Je n’avais donc plus aucune marge de manœuvre et dû, contraint et forcé de façon à pouvoir bénéficier des subsides de l’état, appliquer les 35 heures avec 23 jours de RTT pour la plupart des salariés, une aberration pour une entreprise de service de moins de 10 salariés avec 5 métiers différents et donc, peu de possibilité de pluridisciplinarité.

La conséquence de tout cela a été une profonde injustice entre  ceux qui entendaient appliquer la nouvelle loi à la lettre (ce qui était bien évidemment leur droit) et ceux qui ne changeaient que peu leurs habitudes de travail.

Pire, cela introduisit parmi nous un sentiment que le travail se mesurait avant tout en nombre d’heures hebdomadaires, une question finalement de quantité plus que de qualité (dans les métiers de service, la qualité de la prestation dépend souvent du temps que l’on décide d’affecter à telle ou telle tâche, sans parler de la question de la disponibilité).

Les discussions qui s’en suivirent quelque temps plus tard, à un moment où je m’interrogeais sur notre niveau de productivité en essayant de réduire notre sous-traitance, ont été parmi les rares discussions conflictuelles récurrentes que nous ayons eues au CECA…

Aujourd’hui encore, cette loi conçue pour les grandes entreprises, me pose des difficultés de management, d’équité en particulier, dès lors où nous assurons un service 7 jours sur 7.

Seule la qualité d’écoute entre nous, la sorte de bienveillance qui prédomine dans nos débats internes, nous permet de dépasser ce problème .

Le cas de l’incidence des 35 heures sur l’organisation d’une TPE doit être pourtant assez rare : je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de TPE, qui plus est dans les services, qui aient pris ce risque de passer comme nous aux 35 heures !!

Et pourtant…l’idée de départ était-elle si mauvaise ?

Pas forcément…

Des experts de droite comme de gauche ont planché sur cette notion dès les années 95, au moment où la France semblait se résigner à avoir plus de 10% de chômeurs … et l’idée a germé que, permettre à des entreprises de travailler moins pour embaucher – moyennant des aides de l’état – permettrait sans doute de faire d’une pierre 2 coups :

  • Résorber le chômage
  • Permettre aux salariés de profiter plus de leurs loisirs

C’est donc bien avant l’alternance du gouvernement  Jospin que des entreprises, les plus riches en général, passèrent aux 35 heures, sans difficultés particulières.

Une fois de plus, l’histoire a montré que la forme primait sur le fond : on sait qu’en 2000, Martine Aubry a voulu imposer sa loi à toutes les entreprises de plus de 20 salariés.

Je suis persuadé que si le système avait été optionnel, il aurait été beaucoup plus efficace dans la durée et évidemment beaucoup moins cher pour la collectivité.

Car, n’en déplaise aux politiques de droite comme de gauche pour qui la question des 35 heures est réglée, le problème reste entier :

  • Il constitue une épine dans la productivité des entreprises françaises (en particulier celles qui se placent dans le jeu concurrentiel du marché mondial)
  • Il coûte chaque année à la collectivité la bagatelle de 10 milliards d’euros.(soit à peu près 100 milliards de cumul depuis 2001…)
  •  Le coût a été encore considérablement alourdi par le gouvernement Fillon, qui, voulant désamorcer les 35 heures, a fait prendre en charge par l’état le coût des heures supplémentaires…

Ne serait-ce donc pas une loi à remettre en cause bien avant les « coups de rabots » sur les niches fiscales de quelques centaines de millions d’euros évoqués fin 2009 ?

C’est vrai qu’il y faudrait 2 conditions préalables :

  • Du courage de la part de nos politiques
  • Une forme d’union nationale pour l’accepter, car nul ne pourrait faire croire que cette mesure serait indolore (travailler un peu plus) en tous cas à court terme, c’est-à-dire avant les Présidentielles…

Mais il est vrai que tout dépend aussi du but que l’on se fixe, à la fois au niveau de l’entreprise, mais aussi de l’état: changer pour quels projets ? pour arriver à quel endroit?

Et là, nous sommes dans des questions qui touchent la stratégie, le management et un référentiel de valeurs qui doit être partagé…

Le CECA et ses partenaires vont en tous cas s’emparer de ce sujet brûlant à l’occasion de leur 17ème Université Hommes-Entreprises sous l’angle:

Quelle valeur pour le temps ?

 Pour aller plus loin (article des Echos paru en 2008 sur le bilan des 35 heures): link

 

1 réponse sur « Faut-il remettre les 35 heures à plat ? Témoignage d’une TPE. »

le sujet, c’est aussi la responsabilité des politiques dans l’organisation de réformes courageuses et justes pour la collectivité; est-ce possible après tant d’années de clientèlisme et parfois
de démagogie ?…