Fin août se clôturait la 19ème Université Hommes-Entreprises, dont le but, rappelons-le, est de mettre en avant la notion de valoriser le capital humain, dans les entreprises et les organisations.
Pendant deux jours, se sont succédés des intervenants aussi différents que le très médiatique Luc Ferry, le sportif de haut niveau handicapé Philippe Croizon, le penseur-paysan Pierre Rabhi, l’ex-SDF Elina Dumont, le psychologue Président des Optimistes sans frontière Philippe Gabilliet, l’écrivain Jean-Louis Fournier, le champion olympique Pierre Durand.
Egalement au nombre des conférenciers, la philosophe-psychanalyste Cynthia Fleury, le philosophe Fabrice Hadjadj et le chef d’entreprise-auteur Sébastien Henry.
Réunir tout ce beau monde est à la fois un travail de longue haleine, où rien ne peut être laissé au hasard et une prise de risque, car, quel que soit le pédigrée du conférencier, on n’est jamais certain que son intervention recueillera les faveurs du public…
Les 10 longs mois précédant le jour J sont donc une succession de joies mêlées de stress et de déconvenues…

Mercredi 28 août – 8h20- Smith Haut Lafitte.
chance et courage pour débuter…

A grandes enjambées, je rejoins mon équipe du CECA, sur le pont depuis 7 heures.
Nous avons beaucoup de chance, le ciel est avec nous : un beau soleil pointe le nez et la météo prédit un agréable 25°…
Après la chaleur caniculaire de juillet, c’est inespéré !
C’est Philippe Gabilliet, spécialiste des stratégies mentales de réussite, qui ouvre le bal : avec son talent habituel, il emporte tout de suite l’adhésion du public, inscrit à cette 1ère journée.
Il tance la mentalité française, un système éducatif basé sur une culture de la critique, dès l’école maternelle.


La critique, c’est bien, si l’on apprend également à construire et à  remarquer ce qui est positif.
Avec humour, il donne sa définition du Français : un Italien qui serait  toujours de mauvaise humeur !…
Rassurons-nous, ce constat est infirmé par des critères objectifs  positifs :

– La France créée des entreprises

– La France est en tête de la natalité en Europe ;

  • – La France est innovante

Après la pause, la philosophe Cynthia Fleury nous propulse à 10 000 pieds, avec un savant exposé préliminaire sur un de ses sujets de prédilection : comment fonctionne la démocratie ?
Difficile, parfois, de suivre cette philosophe de haute volée, habituée des amphis de Polytechnique, mais en même temps extrêmement intéressante.
Quelques idées : le pilier de la démocratie, c’est la vertu.
La régulation par la vertu est mortifère ; Tocqueville propose la doctrine de l’intérêt, ce qui a mené à la dérégulation de l’économie.
Cynthia nous amène vite à notre sujet : le courage peut-il être un outil de régulation, et faire dépasser l’intérêt individuel ?


Bonne nouvelle : le courage s’apprend, s’enseigne.
Le courage n’est pas la culture du résultat ; il est sans victoire : ce n’est pas le résultat qui dit la vérité, mais le chemin parcouru.
Achille, dit-elle, aurait survécu, s’il n’avait pas voulu humilier son adversaire battu…
En effet, Achille, fils de la déesse Thétis, est quasi-invincible : seul son talon, par lequel Thétis l’a tenu au-dessus des eaux du Styx, est vulnérable.
Parce qu’il a voulu trainer au bout de son char le corps sans vie de son ennemi Hector, il a provoqué le désir de vengeance de Pâris et l’envoi d’une flèche qui, guidée par Jupiter, l’atteint…au talon.
Achille était allé trop loin…

C’est l’écrivain Jean-Louis Fournier qui reprend le flambeau après un cocktail-déjeuner merveilleusement accompagné des vins de Pessac-Léognan.


L’actualité de Jean-Louis Fournier est : « La servante du Seigneur », son dernier roman, sorti quelques jours avant l’Université.
Jean-Louis Fournier a une manière unique d’exorciser ses peurs, ses épreuves : il les met sur la place publique, grâce à son talent inimitable d’écrivain.
Pour « La servante », on peut, au choix, être séduit par ce cri d’amour pour sa fille (il la considère complètement sous l’emprise d’un religieux intégriste) ou gêné par cette manière de prendre en otage son public.


Avec son humour habituel, l’écrivain nous parle de sa philosophie de la vie : pour lui qui n’a pas été épargné par les épreuves (2 enfants handicapés, la mort de sa femme, encore jeune,…) l’humour est un véritable antalgique.
Ce sont à nouveau des philosophes, Fabrice Hadjadj et Luc Ferry, qui rentrent en scène pour clôturer cette première journée.
Pour illustrer le courage à contre-courant, le facétieux Fabrice Hadjadj choisit de nous parler… du saumon ! qui, effectivement, est connu pour sauter des cascades de 3 mètres et remonter des kilomètres de rivière… à contre courant…
Et nous, ne sommes-nous pas comme les saumons, à courir en tous sens pour faire tourner la machine consumériste ?


Nous perdons le sens, l’origine, comme les saumons.
Pour le philosophe anthropologue, le courage n’est pas dans n’importe  quelle audace : il doit toujours faire sens…
Pour relier sens et transcendance, le philosophe nous fait réfléchir sur la  vie et donc également sur notre mort : Il y a un lien intime entre le  courage et la mort.
Le courage, pour lui, c’est de regarder la mort en appréciant la vie.
Paradoxalement, c’est en étant capable de donner sa vie que l’on peut  mourir sereinement.
A contrario, il cite l’éditeur italien Rizzoli, qui, au moment de mourir,  déclare : « je ne peux pas mourir, je suis l’homme le plus riche  d’Europe! ».
Pour qui perdre sa vie, ou plutôt, à qui offrir sa vie, pose la question de l’espérance.
L’espérance, c’est de vivre quelque chose dont on n’est pas capable par nos propres forces.
Et pour ce philosophe juif converti au christianisme, le courage, c’est l’ouverture à la grâce, au transcendant.


Luc Ferry constate, sous l’effet du pacifisme, une déculpabilisation de la peur, alors qu’il y a encore 40 ans, devenir une grande personne, c’était être capable de surmonter la peur, passion honteuse et infantile.
Cette déculpabilisation, mais aussi la prolifération des peurs récentes (guerre, tabac, sexe, trou dans la couche d’ozone…) ont donné naissance à l’écologie et au principe de précaution.
Avec brio, le philosophe nous amène sur les grandes mutations qui ont bouleversé le XXème siècle : la révolution scientifique et la mondialisation, qui pousse l’Homme à innover, coûte que coûte, sous peine de disparaître, ce qui est une perte de sens…
Les deux philosophes se retrouvent ensuite réunis par un débat, animé par le jeune et talentueux correspondant du journal « La Croix », Nicolas César.


Morceaux choisis :
Fabrice Hadjadj, à propos d’un monde matérialiste : « On peut s’épanouir, comme une courge !… mais dans un pays comme la Suisse, de confort matériel, de bien-être, il y a le plus fort taux de suicide des jeunes… »
Luc Ferry : « nous ne sommes pas dans un monde si matérialiste : il y a des valeurs morales : respect, bonté, bienveillance et des valeurs spirituelles : la mort, l’amour, qui n’ont rien à voir avec la morale, c’est ce que j’appelle la spiritualité laïque ».
A la défense d’une société qui comporte quand même beaucoup d’avantages : l’éducation, le mariage d’amour (donc non subit, comme il l’est encore dans de nombreux pays), Fabrice Hadjadj oppose la question de la croyance en l’Homme sans Dieu : croire en Dieu, c’est simple, car Dieu est bon, mais croire en l’Homme, qu’est-ce qui peut fonder la foi en l’Homme ?
Car sacraliser l’Homme, c’est aussi sacraliser son envie de toute puissance (et l’on sait, depuis 1945, jusqu’où elle peut aller…).
(voir aussi la très bonne synthèse faite par notre partenaire Lucas Chevalier)

crédit photos: Jean-Marie Laugery

4 réponses sur « le courage à l’affiche »

Bonjour,

Grand fan de Fabrice Hadjadj et intéressé par la pensée de Luc Ferry, je voudrais savoir si des actes de cette université d’été de 2013 ont été publiés et s’il était possible de se les procurer. A défaut, existerait-il une version filmée de leur discussion ?

En vous remerciant par avance de votre réponse, je vous adresse toutes mes félicitations pour le précieux service que vous rendez à notre société en organisant de si pertinents colloques.

Cordialement.

abbé Vincent Baumann

Mon Père, merci de votre commentaire; oui, vous pourrez trouver des actes de cette édition, en allant sur: éditions précédentes – 19ème édition; retrouvez la synthèse;
merci de votre appréciation de notre travail et tous mes voeux de belle année à vous et à vos proches

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