Un bon manager doit avoir le sens de la justice et le sens du devoir.
Il arrive pourtant que la décision à prendre soit tellement difficile que l’on parle de conflit de devoir.
C’est ce qui est arrivé à un certain Félix Kersten, un jour de décembre 1938.
Félix Kersten était un médecin hollandais qui possédait un talent aussi unique qu’extraordinaire: il avait appris, à l’Université, mais également d’un maître lama tibétain, l’art de la thérapie manuelle.
A force de travail et grâce à des dons innés, il arrivait à soulager des patients là où la médecine traditionnelle était sans effet et sa réputation devint internationale.
Ses rendez-vous professionnels dans ses cabinets de La Haye, Berlin et Rome étaient pris des mois à l’avance et lui permettaient à la fois de mener une vie confortable et de se tenir soigneusement à l’écart des évènements politiques qui allaient changer le monde.
En cette fin d’année 1938, son destin allait basculer: un de ses patients, un riche industriel allemand qui avait besoin d’aide, l’appelle en lui demandant s’il accepterait d’examiner Himmler…
Sa réponse est sans appel: « Ah non, j’ai réussi jusqu’ici à éviter toute relation avec ces gens-là, je ne vais pas commencer par le pire ! »…
Puis vient le terrible dilemne: d’un côté, rendre service à un homme qui lui a montré une confiance absolue au début de sa carrière, de tous les clients importants qu’il lui devait; de l’autre, la conviction qu’approcher Himmler, personnification la plus odieuse du régime nazi, en tant que chef des S.S. et de la Gestapo, mettrait un point final au confort de son esprit et à sa sécurité intérieure.
Terrible conflit de devoir…
A contre coeur, Félix Kersten donne son accord…
Avait-il raison d’accepter cette mission?
Quelques mois plus tard, un coup de téléphone lui rappelle sa promesse et il doit se rendre au Quartier Général du Reichsfürher, à Berlin.
La première scéance de thérapie confirme la science du docteur Kersten: sa thérapie soulage immédiatement Himmler des atroces douleurs d’estomac et le médecin comprend, qu’il n’a d’autre choix que d’être attaché au service du deuxième maître de l’Allemagne…
Mais loin de se soumettre, Félix Kersten, profitant de sa situation d’unique personne capable de soulager Himmler, n’aura de cesse de remettre les folles idées du nazi en question et surtout, de lui arracher une à une ses victimes, comme prix de son traitement.
Dès le départ, Kersten prend des risques, mais mesurés: tel ou tel individu arrêté par les services d’Himmler contre une séance de thérapie.
Mais Kersten va vite se retrouver dans des situations beaucoup plus complexes, qui mettent sa vie en danger, car son marché, par exemple dissuader Himmler de déporter les Hollandais en Pologne, va à l’encontre des ordres d’Hitler.
Kersten mettra des mois à convaincre Himmler, mais il se fera, parmi la garde rapprochée d’Himmler, des ennemis jurés, comme le tout puissant Heydrich, chef de la Gestapo, qui nourissait de forts soupçons à son égard.
Malgré les risques de plus en plus importants pour lui – il échappera de peu à une embuscade de la Gestapo- Kersten resta fidèle à son poste auprès d’Himmler, jusqu’en avril 1945, lui permettant de mettre au point avec la Suède un vaste plan de sauvetage des survivants des camps de concentration, qu’Hitler avait donné l’ordre de dynamiter.
A la fin de la guerre, Félix Kersten aura finalement contribué à sauver des dizaines de milliers de vies.
Cette histoire extraordinaire, racontée par Joseph Kessel dans « Les mains du miracle », montre à quel point, d’une situation à priori sans issue, un homme peut changer le cours du destin.
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