[quote style= »1″]J’ai appris quelque chose d’essentiel dans le handicap : le silence… et dans le silence, on découvre qui on est… Je vous invite, vous aussi, a prendre 10 minutes de silence, chaque jour, pour faire connaissance avec vous-même et découvrir vos richesses.[/quote]

Laurent de Cherisey, Philippe Pozzo di Borgo et jean Vanier lors de l’allocution de bienvenue de Jean-Paul Delevoye, Président du CESER- photo Ch de La Chaise

 

Celui qui parle ainsi est devenu en quelques semaines, un des hommes les plus connus en France : il s’agit de Philippe Pozzo di Borgo, incarné a l’écran par Francois Cluzet dans le film Intouchables, le plus gros succès cinématographique de tous les temps.

 

Il aurait pu être un de nos grands témoins lors de notre 18eme Université Hommes-Entreprises sur « coopération-compétition », tellement sa réflexion est au coeur de la problématique que nous vivons, dans l’entreprise et ailleurs. En tous cas, le jour ou des amis m’ont transmis l’invitation : « Intouchables, fiction ou réalité », je n’ai pas hésité un instant à prendre le TGV pour me rendre au CESER à Paris.

But de ce colloque : permettre aux fondateurs de l’Arche et de Simon de Cyrène ( bénéficiaires d’une partie des recettes du film), de venir parler du handicap avec l’équipe du film Intouchables, Philippe Pozzo di Borgo en tête.

Leur message : « vous avez été ému et vous avez ri à Intouchables ? Mobilisez-vous pour une société plus humaine : les personnes fragiles doivent être reconnues comme artisans d’une société plus fraternelle : elles nous invitent à désamorcer nos peurs et oser des relations de confiance et d’alliance ».

La relation et la confiance étaient en effet les maîtres-mots des interventions de Jean Vanier et Stephan Wasner, de Laurent de Cherisey, de Philippe Pozzo di Borgo, mais aussi des responsables politiques sollicités pour cette occasion : le Président du Conseil Economique et Social, Jean-Paul Delevoye, qui a fait un discours d’accueil remarqué, Martin Hirsch, venu interpeller les jeunes handicapés ou valides des communautés de l’Arche, faisant remarquer que le Service Civique avait aussi pour vocation d’accueillir tout le monde, et pas seulement les jeunes bien portants et enfin, le Défenseur des Droits : Dominique Baudis.

Morceaux choisis…

Philippe Pozzo di Borgo :

« Avant, j’étais toujours dans le rapport de force, parfois dans la colère ; aujourd’hui, je ne peux pas : j’agis donc par la gentillesse, la séduction et l’humour. »
« Aujourd’hui, j’ai appris à être patient, ce qui est un bien précieux. »
« Pendant 42 ans, j’ai glissé sur le présent, j’ai vécu une vie à la façon Hollywood chewing-gum, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !… ».
« Je préfère aujourd’hui le Minnehaha des Indiens, c’est-à-dire, le Mississipi : l’eau qui apporte  la vie, qui irrigue : les mouvements associatifs, les acteurs de la société, les pouvoirs publics,… Il faut donc amener l’eau à la société pour qu’elle soit enfin productive, pas stérile. »

Philippe Pozzo di Borgo dédicace « Tous intouchables »- photo Ch de La Chaise

 

Laurent de Cherisey (co-fondateur de Simon de Cyrène) :

« Un jour, à moi-aussi, le handicap qui  touche 10 000 personnes par an, a surgit dans ma vie : je venais d’appendre qu’une de mes proches que j’aimais beaucoup avait eu un accident. »
« Une métaphore me vient à l’esprit, celle des Temps Modernes, de Charlie Chaplin : les Temps Modernes analysent  la course à l’efficacité, à la performance : si tu n’es pas utile, pas productif, tu ne sers à rien… »

« Les temps post-modernes invitent à s’interroger sur notre vie, qui prend tout son sens dans la relation à l’autre. Si nous avons un plan pour les plus fragiles, nous permettons aux autres d’accepter leur propre fragilité. »

« Tous les sociologues cherchent le secret de la fragilité : la confiance naît de cette acceptation de la fragilité : car, en elle, il y a de la tendresse, de l’amour, de la complicité. Tous les handicapés accidentés que nous accueillons disent au bout de 6 mois : « pourquoi m’as-tu gardé en vie ? » …

« Effectivement, si la vie, ce n’est que l’efficacité, que la performance, il faut débrancher… »

« Il y a un autre chemin, celui montré dans le film Intouchables, celui montré par Jean Vanier : ce chemin, c’est le droit d’être aimé inconditionnellement dans sa fragilité ; même handicapé, on peut retrouver le goût du bonheur : il faut se laisser interpeller par la relation de simplicité. »

« En fait, tout se passe comme si les plus fragiles nous permettaient de voir le sens de notre vie. »

« La genèse de Simon de Cyrène vient de cette remarque terrible professée par un des handicapés traumatisé crânien : « ma plus grande souffrance, ce n’est pas mon handicap : c’est de constater qu’il y a bien des journées où les seules personnes qui viennent me voir sont des personnes payées pour cela« .

Beaucoup de volontaires disent qu’au bout de 4/6 mois, c’est dans de tels foyers d’accueil (Simon de Cyrène), qu’ils ont trouvé le mode d’emploi du bonheur…

un public nombreux présent au colloque : » Intouchables, fiction ou réalité ? »- photo Ch de La Chaise

 

Jean Vanier

« Lors d’un voyage à Santiago de Chili, le chauffeur de taxi me dit : «  vous voyez, à droite, ce sont des bidonvilles ; à votre gauche, ce sont des maisons de riches, derrière des murs de protection … » ; et le chauffeur d’ajouter : « … mais personne ne traverse … » Il faut trouver des lieux où l’on traverse !… »

« J’étais officier de marine ; à l’époque, je ne supportais pas le regard des autres sur les handicapés ; un jour, j’ai pris la décision de m’installer avec deux d’entre eux dans une maison. L’un d’eux s’appelait Raphaël : suite à une méningite, il ne pouvait plus parler. Mais son visage exprimait tant de mimiques, qu’il provoquait chez nous de nombreux fou-rires : c’est grâce à Raphaël que je suis devenu un peu plus jeune… »

« Maintenant, l’Arche compte 140 communautés à travers le monde, sur les 5 continents ; elle accueille des personnes fragiles, qui ont subi un traumatisme. Sa philosophie : l’accueil de l’autre, dans sa différence : on apprend à aimer, à te reconnaître, toi, malgré tes différences, comme un être humain : « tu es plus beau qu’on n’ose le croire ». »

Nos communautés peuvent être des lieux de paix, on devient des êtres humains pour célébrer la vie. Car de la violence jaillit l’humiliation. L’opposé de la violence, ce n’est pas la non-violence, c’est la tendresse ; la tendresse, c’est  l’écoute : rencontrer l’autre dans ce qu’il est.

 

J’avais assisté à ce colloque pour réaliser avec Eloi Choplin quelques interviews pouvant illustrer la 18ème Université Hommes-Entreprises; j’en suis ressorti convaincu que les populations les plus fragiles comme les handicapés sont précieuses pour nous aider à réfléchir au sens de la vie et nous aider à nous  réconcilier avec notre propre fragilité…

A propos du film, Philippe Pozzo di Borgo dit enfin :  » A chaque fois que je vais dans une salle et que les gens applaudissent le film, ils s’applaudissent eux-même !…car ils découvrent dans ce film leur propre richesse et leur propre fragilité. »

Retrouvez la suite de cet article consacré à Laurent de Cherisey : « Simon de Cyrène, une autre idée de la performance »

Site internet de l’Arche et de Simon de Cyrène

Retrouvez le « storify » de cet événement réalisé par Eloi Choplin de l’agence Triple C

 

6 réponses sur « La (belle) face cachée d’intouchables »

Merci Christophe pour cet article qui rend bien compte de cette journée hors du temps. Hors du temps de l’immédiateté, et de la quête stérile et narcissique d’une vie qui file à toute allure. Cette journée était assez bouleversante. Tous ces témoins de l’humiliation du quotidien… si souriants ! La fragilité est paradoxalement une force et les interventions de Jean Vanier (quel grand monsieur), de Laurent de Cherisey, de Pozzo di Borgo pour leur manifeste « tous intouchables ? » nous montrent qu’il existe des choses derrière… derrière l’impossible, l’improbable, l’inconnu. Pour eux, c’est une alchimie qui rend possible la rencontre improbable. Finalement on a principalement parlé de rencontre, de dialogue, de relation… Bien aimé aussi les interventions vibrantes et sincères de JP Delevoye, de Martin Hirsch, de Dominique Baudis et d’Omar Sy…
Bref, un beau moment.

merci Eloi pour ton propre retour sur cette ap midi effectivement passionnante : le registre du témoignage est toujours exceptionnel : et même si j’ai également beaucoup aimé les interventions des « officiels »: JP Delevoye en tête, le  » vécu  » a force de preuve… surtout quand un handicapé montre, comble de paradoxe, que son handicap lui a permis de découvrir la vraie vie!… cela paraît surréaliste, mais c’est bien ce qu’a témoigné Philippe Pozzo di Borgo…

Je renchéris sur ton commentaire Christophe car j’ai aussi le souvenir marquant de la courte allocution d’Abdel, le fidèle et loyal accompagnant de Philippe Pozzo di Borgo. Il dit qu’il était un handicapé social et qu’il a retrouvé son humanité, le sens de certains mots clés que beaucoup oublient (fraternité, solidarité…), au contact d’un handicapé lourd (Pozzo di Borgo donc). Quand Omar Sy et sa générosité incarnée est arrivée sur la scène, c’était assez surréaliste de voir sourire le Driss du film et le Abdel de la vraie vie sous le regard ému de Philippe Pozzo di Borgo. Abdel a vraiment vécu cette rencontre entre sa fragilité sociale et celle physique de Philippe. C’est ce qu’a dit avec d’autres mots Martin Hirsch quand il a lancé son appel au service civique en disant en gros « vous avez un handicap, et alors ? le service civique aussi est fait pour vous. Il sera parfait le jour où vous vous en serez emparé aussi ». C’est avant tout un échange et non pas un simple don. Pour le don, cela s’appelle l’aumône. Pour l’échange, cela s’appelle la relation comme nous l’a dit Laurent de Cherisey ce jour là. Et une relation c’est riche, c’est varié, c’est la vie quoi…

Eloi, Christophe,
Merci, merci pour votre témoignage de cette journée que nous n’aurions pas pu souhaiter plus belle, plus riche de sens et « déplacement » de chacun.
Déplacement vers l’autre, vers soi-même, vers l’autre différent, fragile mais riche.
Moi-même au coeur de l’organisation puisque responsable communication de L’Arche en France, je reste profondément émue de ce qui s’est vécu.
Merci pour votre présence et merci de partager cela au sein d’Universite Hommes-Entreprises.
Amitiés
Céline Roche

merci Céline;
sachez que nous aussi, avons vécu intensément cette après-midi.
avec Eloi, nous avons filmé 4 ou 5 de vos intervenants (Laurent de Cherisey, votre DG, Philippe Pozzo di Borgo, Martin Hirsch,…); nous allons les publier sur le site http://www.universitehommes-entreprises.com et pourrons vous en faire profiter…
Bravo pour votre organisation: vous avez prouvé que lorsque l’on s’en donne les moyens, les média jouent le jeu : ils savent aussi être amplicateur des belles initiatives …

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *