Christophe ANDRE photo: JM Laugery

J’assistais hier soir à une conférence de Christophe André, psychiatre bien connu, qui intervenait dans le cadre de « la semaine de l’encadrement » organisée par le CHU de Bordeaux.

Thème de la conférence, cher à l’auteur-psychiatre : la confiance

Christophe André rappelait que la confiance était liée à la fois à l’estime de soi (difficile d’avoir confiance si l’on ne s’aime pas…) et à la relation avec l’autre : si j’ai l’impression que l’autre ne m’aime pas, comment s’aimer soi-même…

Il nous racontait l’expérience de la souris sur l’île : une souris nageant dans un bocal, qui sait qu’à un moment donné, elle peut s’arrêter sur une île, saura se montrer beaucoup plus résistante dans d’autres situations : si on la place dans un bocal dépourvu d’île pour se reposer, elle nagera 2 fois plus que d’autres
(qui n’ont pas eu l’expérience de l’île…)

Rapporté au management : encourager, insister sur la progression, donne de bien meilleurs résultats que d’insister sur les défauts et les échecs…

Le manager est donc co-créateur de confiance pour ses collaborateurs : c’est en cela qu’il est responsable d’une partie du bien-être du salarié dans l’entreprise.

Et comme le dit Philippe Gabilliet, chantre de l’optimisme dans le milieu du travail, le manager n’est pas responsable du bonheur de ses collaborateurs, mais il doit néanmoins créer les conditions pour que le collaborateur soit heureux.

En rentrant chez moi, un reportage sur d’ anciens harkis illustre parfaitement à quel point la confiance : en soi, dans les autres, est un facteur clé des rapports entre les hommes : en 1962, l’état Français veut à tous prix la paix ; les accords d’Evian sont signés: de part et d’autre, on s’interdit des représailles sur les anciens combattants, tant troupes du FLN, que sur les harkis, soldats algériens ayant servis sous le drapeau français…

Le commentateur ajoute: en théorie, car on est bien conscient des risques énormes de représailles en Algérie …

Malgré ces risques, des menaces claires, le gouvernement français demande à l’Armée de désarmer ses harkis…

Un ancien lieutenant explique : après avoir désarmé mes propres troupes, mon capitaine m’a demandé d’aller désarmer une harka kabyle située à plusieurs kilomètres de toute agglomération, autrement dit, à plusieurs kilomètres de tout secours…

Le lieutenant, après avoir refusé, doit s’exécuter : faisant cela, il sait qu’il condamne à mort, parfois dans des tortures horribles, la plupart de ses anciens compagnons de route…

D’un côté, le risque de mort qu’il fait courir à des dizaines d’hommes, de femmes, d’enfants, de l’autre, la cour martiale ou une carrière compromise…

Dans les camions GMC s’éloignant du village kabyle, il doit donner l’ordre à ses sous-officiers de taper sur les mains qui s’accrochent aux camions…

Commentaire  de l’ancien lieutenant, 50 ans après ces évènements : « je n’ai jamais su ce qui était advenu de ces harkis et de leurs familles, mais cette décision m’a fait faire des cauchemars pendant 20 ans… ».

L’armée française, « briefée » et encouragée par les politiques de l’époque, avait donnée sa parole aux harkis, que leur engagement serait garanti par la protection des Français…

Cet exemple assez sombre de notre récente histoire de France montre à quel point la confiance (avant 1962) peut participer de la construction de l’être humain, de sa fierté (ici, patriotique, par ex), de son engagement (aux côtés des Français), voire de son épanouissement.

A quel point la confiance rompue (symbolisée dans ce cas par les Français désarmant leurs anciens frères d’armes, au lendemain des accords d’Evian) est source de perte d’estime, pour les harkis eux-mêmes et bien sûr pour l’état Français et tout ce qui touchait à la France, mais aussi de conflits plus ou moins apparents, dont certains perdurent encore aujourd’hui…

2 réponses sur « La confiance à l’épreuve du temps »

Christophe

Je veux tout d’abord te remercier et te féliciter pour ta (votre) université, moment véritablement constructif et

chaleureux qui vient ouvrir agréablement une période aussi importante qu’est la rentrée.

Je voulais aussi te faire part d’un sentiment assez étrange qui me traverse depuis que la fin de cette édition

2010.

En effet, malgré la qualité des interventions, la pertinence des invités, je reste sur un état de faim, un peu

comme

si on n’avait pas vraiment fait le tour de la question.

Et pourtant elle est très belle cette question , fondamentale, « quelles valeurs transmettre ? ».

Tout d’abord, effectivement, au vrai sens littéral, nous n’avons pas fait le tour de la question pour ne pas avoir

aborder le deuxième mot. Nous nous sommes beaucoup arrêtés au mot « valeurs », en oubliant le mot « transmettre ».

C’est quoi « transmettre » ? d’un point de vue sociologique, théologique, déontologique.

Quel meilleur synonyme : donner ? partager ? échanger ?…

« quelles valeurs transmettre ? » sous-entend que les valeurs d’aujourd’hui ne seraient pas les mêmes que celles

d’hier et que la variable serait donc le socle de valeurs. Vraiment ?

Et si on cherchait plutôt la variable dans la transmission.

La transmission d’aujourd’hui est-elle la transmission d’hier ? la verticale et unilatérale transmission d’hier ne

fait-elle pas place à une nouvelle relation horizontale et itérative ?

Les valeurs ont un caractère universel et atemporel. Ce n’est que leur forme qui évolue.

Luc Ferry s’est attaché à nous exposer l’évolution de la valeur Amour.

Certes, elle a évolué, elle n’en reste pas moins la valeur Amour.

Justement, l’Amour.

H.Reeves (Université 2000 quelque chose) nous rappelait que ce qui caractérisent l’Homme dans le monde animal,

ce sont l’Art, la Science et la Compassion. La Compassion est bien une traduction de l’Amour.

Nos intervenants se sont approchés du sujet sans aller au bout.

Ils ont rappelé (Lemattre, Autier, Ferry) que nos sociétés occidentales n’ont jamais connu une période sans guerre

aussi longue. Si nous avons quelques inquiétudes, en tout cas nous n’avons plus celle de voir nos enfants (ou nous

même) partir demain servir de chair à canon.

La paix (même relative) a gagné nos Sociétés.

Nous vivons donc en paix ?

Et bien non ! Comme si l’homme devait éternellement guerroyer , il s’est inventé

un nouveau champ de bataille, le Marché, où combattent les régiments d’aujourd’hui, les Entreprises.

Et , comme il est important que chacun puisse mener sa propre petite guerre, l’Entreprise peut devenir elle-même

un champ de bataille, où la lutte avec ses collègues est devenu pour certains un exercice de jouissance,

pour beaucoup d’autres un exercice de survie.

Guerre , positions, stratégie, etc… comment parler aujourd’hui d’économie sans utiliser au bout de deux phrases,

un

terme issu du monde guerrier ?

La guerre a investi nos sociétés.Nous ne sommes pas en paix.

« Quelles valeurs transmettre ? »

Et bien sans doute, la plus importante : l’Amour.

Réintroduisons à nos modestes niveaux cette valeur fondamentale qui fait que la Vie vaut la peine d’être vécu.

Même dans l’entreprise, surtout dans l’entreprise.

Alors, « nous dans tout ça , on fait quoi ? » (question posée par A.Heriaud)

Je n’ai ni l’éveil ni la sagesse de nos intervenants, alors je cale un peu évidemment.

C’est vrai que sortir de l’Université avec cet objectif empreint de sagesse risque de se heurter bien vite à la

première urgence, à la première pression du dehors (le fameux champ de bataille).

Alors me revoilà mon cher Christophe, avec un nouveau problème de faim.

Je pensais avoir fait le plus gros du chemin en cernant mieux la problématique posée, en la rattachant à la

problématique de Paix, donc d’Amour.

Mais comme le dit très bien un proverbe chinois « sur dix pas, les neuf premiers font la moitié »,

me voilà donc uniquement à la moitié du gué …..

A défaut de pouvoir répondre à la problématique, je propose que l’on poursuive le sujet l’année prochaine, sur le

thème de Paix et Entreprise.

Vive l’Université 2011 !

Christophe

Je veux tout d’abord te remercier et te féliciter pour ta (votre) université, moment véritablement constructif et chaleureux qui vient ouvrir agréablement une période aussi importante
qu’est la rentrée.

Je voulais aussi te faire part d’un sentiment assez étrange qui me traverse depuis que la fin de cette édition 2010.

En effet, malgré la qualité des interventions, la pertinence des invités, je reste sur un état de faim, un peu comme si on n’avait pas vraiment fait le tour de la
question.

Et pourtant elle est très belle cette question , fondamentale, « quelles valeurs transmettre ? ».

Tout d’abord, effectivement, au vrai sens littéral, nous n’avons pas fait le tour de la question pour ne pas avoir abordé le deuxième mot. Nous nous sommes beaucoup arrêtés au mot «
valeurs », en oubliant le mot « transmettre ».

C’est quoi « transmettre » ? d’un point de vue sociologique, théologique, déontologique.

Quel meilleur synonyme : donner ? partager ? échanger ?…

« quelles valeurs transmettre ? » sous-entend que les valeurs d’aujourd’hui ne seraient pas les mêmes que celles d’hier et que la variable serait donc le socle de valeurs. Vraiment
?

Et si on cherchait plutôt la variable dans la transmission.

La transmission d’aujourd’hui est-elle la transmission d’hier ? la verticale et unilatérale transmission d’hier ne fait-elle pas place à une nouvelle relation horizontale et itérative
?

Les valeurs ont un caractère universel et atemporel. Ce n’est que leur forme qui évolue.

Luc Ferry s’est attaché à nous exposer l’évolution de la valeur Amour.

Certes, elle a évolué, elle n’en reste pas moins la valeur Amour.

Justement, l’Amour.

H.Reeves (Université 2000 quelque chose) nous rappelait que ce qui caractérisent l’Homme dans le monde animal,

ce sont l’Art, la Science et la Compassion. La Compassion est bien une traduction de l’Amour.

Nos intervenants se sont approchés du sujet sans aller au bout.

Ils ont rappelé (Lemattre, Autier, Ferry) que nos sociétés occidentales n’ont jamais connu une période sans guerre aussi longue. Si nous avons quelques inquiétudes, en tout cas nous
n’avons plus celle de voir nos enfants (ou nous même) partir demain servir de chair à canon.

La paix (même relative) a gagné nos Sociétés.

Nous vivons donc en paix ?

Et bien non ! Comme si l’homme devait éternellement guerroyer , il s’est inventé

un nouveau champ de bataille, le Marché, où combattent les régiments d’aujourd’hui, les Entreprises.

Et , comme il est important que chacun puisse mener sa propre petite guerre, l’Entreprise peut devenir elle-même un champ de bataille, où la lutte avec ses collègues est devenu pour
certains un exercice de jouissance, pour beaucoup d’autres un exercice de survie.

Guerre , positions, stratégie, etc… comment parler aujourd’hui d’économie sans utiliser au bout de deux phrases, un terme issu du monde guerrier ?

La guerre a investi nos sociétés.Nous ne sommes pas en paix.

« Quelles valeurs transmettre ? »

Et bien sans doute, la plus importante : l’Amour.

Réintroduisons à nos modestes niveaux cette valeur fondamentale qui fait que la Vie vaut la peine d’être vécu.

Même dans l’entreprise, surtout dans l’entreprise.

Alors, « nous dans tout ça , on fait quoi ? » (question posée par A.Heriaud)

Je n’ai ni l’éveil ni la sagesse de nos intervenants, alors je cale un peu évidemment.

C’est vrai que sortir de l’Université avec cet objectif empreint de sagesse risque de se heurter bien vite à la première urgence, à la première pression du dehors (le fameux champ de
bataille).

Alors me revoilà mon cher Christophe, avec un nouveau problème de faim.

Je pensais avoir fait le plus gros du chemin en cernant mieux la problématique posée, en la rattachant à la problématique de Paix, donc d’Amour.

Mais comme le dit très bien un proverbe chinois « sur dix pas, les neuf premiers font la moitié »,

me voilà donc uniquement à la moitié du gué …..

A défaut de pouvoir répondre à la problématique, je propose que l’on poursuive le sujet l’année prochaine, sur le thème de Paix et Entreprise.

Vive l’Université 2011 !

Laurent Baudinet