La plupart des dirigeants d’entreprises ont en commun avec les professeurs, les responsables politiques et les parents  la question de la transmission :

Comment faire passer un message à ses collaborateurs, à ses élèves, à ses électeurs, à ses enfants ?

Comment les convaincre sans asséner un message de façon autoritaire ?

Réponse : Par la passion…

C’est par la passion qui animait toute l’ équipe du CECA en août 2009, qu’un ami belge, avocat d’affaires de son état, a voulu organiser lui-aussi, une « Université d’été des dirigeants privés et publics » de Belgique.

En tant que conseil et amis des organisateurs, je ne voulais pas manquer ces deux après-midi, les 30 et 31 août dernier, qui ont été deux journées passionnantes, autant par la qualité des orateurs que de l’atmosphère de convivialité et de partage dégagée par les organisateurs et les dirigeants belges présents.

Voici quelques pistes de réflexion et recommandations.

Sur développement durable et Economie


Philippe Dessertine, économiste

C’est à nous, Occidentaux, d’inventer un nouveau modèle économique, car nous sommes responsables de ce mauvais équilibre que nous connaissons: croissance nulle, chômage et dette élevés.

Quand? Pas dans 25 ans, ni même 10, il faut réfléchir et mettre des solutions en place tout de suite.

Quoi? La France doit avoir comme priorité première de rembourser sa dette : cet effort important doit s’accompagner d’un autre effort en faveur des plus démunis, qui vont souffrir plus que les autres.

La classe moyenne (nous) doit donc se préparer à se serrer la ceinture !

Pourquoi ? l’Europe doit absolument préserver ce qui a fait sa fortune : la démocratie

L’entreprise : parce qu’il constate que beaucoup de salariés ne sont pas bien dans leur travail, chaque dirigeant devrait se poser la question : « chaque salarié qui travaille chez moi est-il satisfait ? »

Une chimère : les USA tentent de faire croire que le développement du PIB ne se fait que par la consommation…

Une piste ? Personne n’est satisfait de passer en moyenne 1 heure par jour à se rendre à son travail (A/R) : il convient donc de réfléchir à des façons de se déplacer plus efficace, plus économe en énergie… (ex : le télé-travail)

 

Eric Lambin , géographe, chercheur aux Universités de Louvain et Stanford

Sur le matérialisme : les gens très matérialistes sont plus insatisfaits, plus anxieux que les autres (sondage Gallup) car, plus on est riche, plus les exigences de confort augmentent…

Un lien fort existe entre la nature et le psychisme ; une étude montre que, à l’hôpital, les patients ayant une chambre avec une vue sur la nature ont besoin de moins d’anti-douleur que les autres et quittent l’hôpital plus tôt.

Il en va de même sur notre lieu de travail: nous développons plus d’optimisme, de joie, de bien-être, lorsque nous travaillons dans un bureau spacieux, avec une décoration qui nous plaît et une vue dégagée…

Certains pays, comme le Costa Rica ou le Boutan, ont réussi la re-forestation de leur pays, grâce à une politique très volontariste de l’état, relayée par le privé.

Sur la passion comme moteur de ses rêves

Nele Paxinou , directrice de la compagnie de théâtre : « les Balladins du Miroir ».

Le bonheur, c’est la réalisation de sa passion.

Elle cite Gaston Bachelard :

«  Les grandes passions se préparent dans de grandes rêveries »

La clé de son succès, malgré le handicap dont elle est victime. Dans sa compagnie, chacun, du manœuvre au directeur, a la même considération.

« Dans notre métier, on ne dit pas :  je vais travailler, mais je vais jouer »

Sebastien de FOOZ , reporter, marcheur « au long cours »: 5500 km à pied pour aller à Jérusalem, depuis Gand (Belgique).

En assistant à la conférence de Sébastien, je ne pouvais m’empêcher de penser à nos amis Alexandre et Sonia Poussin, qu’Albéric m’avait fait rencontrer (« Afrika Trek », 15 000 km à pied de traversée de l’Afrique): autre défi incroyable, mais là, notre ami Sébastien est seul…

J’ai découvert un homme passionné, simple, d’un courage extraordinaire, animé par une force intérieure.

Quelques morceaux choisis :

  • Il faut quitter ses certitudes pour aller vers l’incertain
  • Traversée de l’Allemagne, toute proche : 18 jours de pluie sur 22 …qui aurait continué?
  • Détours de 150 km pour aller sur le site de Dachau, d’où il ramasse une petite pierre qu’il disposera, en souvenir de tous les malheureux déportés, sur le Mur des Lamentations, à Jérusalem.
  • En Europe de l’est, dans chaque pays qu’il s’apprête à traverser, on le met en garde contre le pays qu’il est sur le point de traverser…ex : en Hongrie : attention à la Croatie, c’est un pays qui peut être dangereux ! …
  • Rencontrer l’autre dans sa différence, sans le juger
  • Transformer la solitude en force intérieure

Conclusion : Le dialogue est capital c’est un dialogue avec l’autre, mais aussi un dialogue intérieur.

Sur la recherche d’un bonheur intérieur

 

Christophe André (psychiatre)

Avec Christophe André, on est au cœur de la problématique énoncée par nos amis belges : car le bonheur, c’est son terrain de jeu favori !

3 postulats qui nous empêchent d’accéder au bonheur :

  • Regarder l’écart entre ce que j’ai et ce que je voudrais
  • Regarder l’écart entre ce que j’ai et ce que j’ai eu dans le passé
  • Se comparer aux autres : soit on se félicite d’avoir plus, soit on les envie pour ce qu’ils ont de plus que nous.

Or, notre société d’hyperconsommation souffle sur ces braises en permanence : elle nous pilonne d’incitations à la comparaison de soi…

Il y a un manque de conscience de bien-être. Ex. regarder le soleil se lever ou se coucher : c’est important, même sinon urgent.

Mais… si je me coupe de contact avec la nature, je vais continuer bien sûr à vivre, mais, petit-à-petit, je me porterai moins bien…

Conclusion : Qu’est-ce qui pourrait nous rendre plus heureux ? c’est le rapport bonheur/estime de soi.

L’estime de soi fluctue, elle doit être augmentée.

Elle ne doit pas être uniquement liée à la réussite professionnelle ou intellectuelle.

Beaucoup d’estime, de bonheur, dépend du lieu, de l’endroit où l’on vit, de notre entourage. Goethe disait :

« Pour moi, le plus grand supplice serait d’être seul au Paradis »

Le bonheur est contagieux.

Leili Anvar , franco-iranienne, maître de conférences à l’Institut National des Langues Orientales, chroniqueuse au Monde des religions et sur Radio France ..

Si le bonheur est l’accumulation de plaisirs et de richesses, dans la mystique traditionnelle, il ne peut être trouvé sur terre…
Métaphore d’un moine oriental, vivant d’ascèse : « un seul jour dans la société, fidèle à son idéal, vaut plus qu’une année de vie d’ascèse que j’ai pratiquée ».
D’après la pensée stoïcienne, l’Homme doit être en possession de ses moyens, maîtrisé.
Accomplir son devoir, c’est : bien faire les choses (devoir éthique) et donner aux autres : pour les Stoïciens, la condition du bonheur, c’est l’altruisme.
« En chaque être humain luit une étincelle divine », donc l’être humain est bon, fondamentalement.

Conclusion d’un grand poète perse :

      « Ce cœur est plus vaste, plus beau que le ciel et le firmament. Pourquoi faire de ce monde une prison étroite ? … Nous sommes de ceux qui ont fait de cette prison un jardin verdoyant. »

Ce que je pense: Oui, il nous appartient à nous, de faire de l’entreprise un jardin verdoyant, et cela passe avant tout par l’investissement en temps du dirigeant sur les ressources humaines de son entreprise.

Sur la recherche de bonheur dans l’entreprise

Philippe Gabilliet, Psycho-sociologue, Professeur de Leadership à l’ESCP Europe et à l’Université de Genève.

Constate une demande émergente des grandes entreprises sur le management existentiel !

Du fait de la mondialisation, la marge de manœuvre du dirigeant est de plus en plus réduite : il reçoit ses instructions de Paris, Londres, New-York ou même Shangaï… et en situation économique difficile, c’est encore pire…

Donc, rendre les salariés heureux est loin d’être la 1ère préoccupation du chef d’entreprise !…

Ph. Gabilliet constate 3 nouvelles donnes :

  • Le poids du court terme
  • Le règne de la quantité et de l’efficience
  • La perte du sens collectif et la montée de l’isolement individuel.

En écho à ce dernier constat, Nietsche rappelle que :

      « Celui qui dispose d’un pourquoi pour vivre, peut supporter n’importe quel comment »

Mais le bonheur est également un investissement personnel (Martin Seligman)

Le chef d’entreprise est responsable de la relation avec ses collaborateurs, pas de leurs états d’âme ; il est donc responsable des relations humaines de sa société, par ex développer l’attitude positive au travail.

Conclusion : 4 pistes pour aider les salariés à être heureux :

  • Leur donner le sentiment de grandir par la formation, les encouragements et les promotions
  • Les aider à affronter leurs peurs : les rassurer sur leurs capacités et les conforter dans la confiance que l’on a en eux.
  • Leur « porter chance » :
    • Les aider à rencontrer des gens différents
    • A explorer de nouveaux territoires
    • A rencontrer de nouvelles opportunités
    • A faire confiance
  • Nourrir leur optimisme

 

Questions/réponses

Une étude scientifique a montré que les dirigeants convaincus, qui affichent leurs valeurs, vivent leurs convictions (droits de l’homme, …),et incarnent leurs valeurs, créent un climat porteur de ces valeurs.

Les dirigeants porteurs de sens sont les leaders de demain

On cherche trop souvent des solutions rationnelles, hors, l’être humain n’est pas rationnel, c’est surtout l’émotionnel qui agit sur le comportement. (Ch. André)

« Au lieu de rêver de penser, il faut penser à rêver » : se nourrir de littérature, de culture,.. 

Les formations aux salariés iront de plus en plus vers l’humain : émotionnel, comportemental.

Ce que je retire de ces 2 Universités

Aujourd’hui, le dirigeant est comme le pilote de course: dans son siège baquet, il doit être attentif à tous ses compteurs:

  • Celui de la vitesse (gestion globale)
  • De la trésorerie (passer au bon moment au ravitaillement)
  • Du compte-tours (qualité de ses produits et service)
  • De la performance (rentabilité pour l’actionnaire)
  • De l’environnement (avoir le meilleur couple: performance/faible pollution)
  • Et maintenant, c’est la nouveauté, de donner du sens à son métier, à ses mécanos : donner du sens à ses salariés.

Merci à Stanislas, Christèle, Laurent, Bernard, Jean-Marie, Cédric pour ce beau défi qu’ils ont su relever ensemble, pour relier « bonheur » et « performance », deux mots que l’on a peu l’habitude de voir co-habiter !

crédit photos: JM Laugery/Ch de La Chaise

1 réponse sur « Passion et transmission: retour sur « bonheur et performance » »

la transmission est au coeur de notre société: elle peut fonctionner dans les 2 sens: les seniors transmettant aux jeunes leur expérience et leur savoir et les jeunes permettant aux seniors de se
familiariser avec les nouvelles technologies

Anne