Un jour d’avril 1984…
« Je suis dans le ciel, en chute libre en compagnie de ma sœur… Nathalie semble en difficulté… son parachute a l’air de rester obstinément fermé… mon propre parachute s’étant ouvert, je surveille avec angoisse le sol en dessous, cherchant fébrilement la voile de Nathalie et finis par apercevoir ma soeur continuant à chuter comme une pierre vers le sol…
A cette altitude et à 50 mètres/seconde (180 km/heure) , je sais que si elle ne trouve pas la solution pour débloquer le parachute, c’est le crash en quelques secondes, moins de cinq secondes exactement…
Mon coeur bat à se rompre, le stress est intense et déjà, j’imagine le pire … quand enfin la voile salvatrice s’ouvre en dessous de moi, à moins de 200 mètres du sol…
Nathalie est sauvée… il s’en est fallut de peu… »
C’est ainsi que commence la conférence d’un des derniers grands (mais jeune !) explorateur français, Stéphane Lévin.
Après des années d’accompagnateur, comme guide spécialisé sur des voyages touristiques très haut de gamme (sur le « Ponan » par ex), et avoir eu la chance de faire le tour du monde des endroits les plus prestigieux de la planète, Stéphane décide de donner un tournant à sa vie, pour y retrouver du sens…
Il décide de mettre en application un vieux rêve : expérimenter une nuit polaire dans sa totalité, seul.
En voici le récit, tel qu’il nous l’a fait pour les 280 cadres de la mairie de Bordeaux.
Plusieurs éléments du récit sont transférables à l’entreprise :
L’entraînement commence à Toulouse, avec des efforts gradués, l’amenant à marcher sur 30 km avec un sac à dos de 75 kilos !… objectif : observer jusqu’où peut aller la résistance du corps…
Satisfait, il constate qu’il accomplit des performances supérieures à celles réalisées 10 années auparavant (donc lorsqu’il était 10 années plus jeune !) dans le cadre de l’équipe de France de pentathlon…
Le projet et ses nombreuses applications pratiques, la gestion du stress notamment, arrive aux oreilles de l’Agence Spatiale Européenne, qui y voit une occasion unique d’expérimentations dans le cadre de ses programmes spatiaux de longue durée, notamment vers Mars.
L’enjeu : la dépression hivernale et les risques de suicide, connus dans ces pays d’obscurité intense, est comparable à un vol spatial de très longue durée (2 ans pour la planète Mars !…)
Après de long mois d’entraînement, sous le contrôle de spécialistes médicaux, il arrive enfin à Résolute Bay.
Les Inuits croient bon de le prévenir : « ton projet est fou, si tu tiens 15 jours, ce sera déjà un exploit ! ».
De fait, 8 jours après, Stéphane est à pied d’œuvre :
600 kilos de matériel et nourriture déposés auprès de lui, il se retrouve seul, à 100 km de toute habitation, isolé au milieu du « désert blanc », par -20°C, avec pour seuls compagnons 2 chiens husky et la menace omniprésente de l’ours blanc, un chasseur fantastique, capable de courir à 40 km/heure et de sentir un phoque sous un mètre de glace à deux kilomètres !…
Autre sujet de préoccupation : le froid.
A moins de 50°C, les gelures surviennent en moins de 10 minutes !… (et en 2 min, à – 60°C…)
Notre explorateur insiste bien sur la préparation de l’expédition, en particulier, la préparation mentale et la visualisation.
Le moyen ? Avant de faire chaque geste, Stéphane s’est entraîné à visualiser celui-ci des dizaines de fois.
Température extérieure et température intérieure étant équivalentes (soit des températures oscillant entre -20 et -45°C…), Stéphane entreprend de se construire un véritable igloo, qui va ceinturer sa cabane de bois : après un mois d’efforts intenses, la « cabane-igloo » est terminée.
Bilan ? il gagne royalement 10° en température !… Et comme il nous le dit, -30° C, ce n’est pas la même chose que -40 !…
Il ne le sait pas encore à ce moment-là, mais les températures auxquelles il sera confronté atteindront – 80 degrés ! (lors d’une sévère tempête).
Intéressant : géologue de formation, Stéphane aurait pu, comme le font souvent les bons ingénieurs : appliquer la méthode, rien que la méthode ; il décide au contraire d’innover et en même temps d’améliorer ses chances de réussite…
Un des grands sujets de nos organisations depuis une dizaine d’années est la gestion du stress : normal, avec internet, les circuits de décision ont été considérablement raccourcis ; mais au lieu de décider à la réception d’un courrier postal, comme c’était le cas il y a 12 ans, on décide dans l’instant, suite à un échange de mail… tout cela est générateur de vitesse, donc, de stress…
Stéphane Lévin nous en donne un exemple : au milieu de son hivernage, il se trouve un jour à 400 mètres de sa cabane, quand il se rend compte qu’un de ses doigts est en train de geler…
A moins 26 degrés, il faut faire vite : il décide de s’opérer lui-même!…
Retourner à sa cabane sans paniquer, appeler son équipe située à des milliers de km pour qu’elle lui dicte les consignes pour une opération d’urgence, faite par lui-même… tout cela a été répété maintes et maintes fois, avec une technique de visualisation : « mentalement, j’étudie différents scénarios de situations de stress et, mentalement, je fais les bons gestes pour appliquer la bonne solution. »
Stéphane nous confie que cette technique lui a certainement sauvé la vie…
Enfin, après 70 jours d’obscurité totale, le soleil ré-apparaît…
C’est l’échéance que s’était fixé notre explorateur pour mettre fin à son aventure, racontée plus tard dans un best-seller: « Seul dans la nuit polaire« .
Comment gère-t-on le succès et comment peut-on se ré-acclimater à la vie « normale? ».
Le retour à la civilisation a été dur.
« Je n’avais pas du tout prévu et anticipé les conséquences de la réussite de la mission et notamment de sa médiatisation, nous confie Stéphane.
J’avais changé: je m’étais habitué à ne parler que par bribes, j’avais pris 12 kilos, conséquence de mon activité essentiellement sédentaire (surtout les 2 derniers mois), même ma vue et mon ouïe s’étaient modifiés ! (j’avais désormais une vue de 20/10 au lieu des 10/10 habituels !…), bref, je m’étais « oursisé » !…
Arrivant à Toulouse, aussitôt assailli par une foule de gens qu’il ne connaissait pas, après plus de 120 jours de vie en autarcie complète, il est sollicité pour une conférence de presse.
» Comment c’était ? l’interrogent les journalistes; lui, visage rougi par le gel, partiellement tuméfié, une barbe de plusieurs jours sur la joue (impossible de se raser avec des coupures sur le visage…), montre ses doigts, à moitié gelés, expliquant qu’il avait tenu à faire des vacations radio dans le froid terrible du Grand Nord, au moins une fois par semaine pour maintenir le contact avec son équipe…
» Voyant les larmes sur leur visage, j’ai senti à l’instant qu’ils m’avaient compris… »
Stéphane ne se donnera pas le temps de savourer cette victoire, autant sur lui-même que sur le froid et les ours.
Voulant alerter les jeunes sur la fragilité de la planète, il créé avec l’aide de son équipe un véritable programme d’expéditions scientifiques qui, au-delà des 3 équipes de 6 jeunes sélectionnés, profitera à des classes entières de lycées, qui suivront avec passion, les aventures de « Voyageurs des Sciences.
Nous-aussi, peut-être à l’occasion d’une nouvelle conférence? merci Stéphane!
site de Stéphane Lévin: http://www.stephanelevin.com
crédit photos:Stéphane Lévin
« Seul dans la nuit polaire » peut être commandé directement sur ce site.
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