Je ne pouvais manquer l’invitation, l’autre soir à Bordeaux, de la Compagnie Fiduciaire, qui invitait en «Guest star» de leur soirée, le philosophe et ancien ministre Luc Ferry.
Déja l’an dernier, j’avais eu l’occasion de l’écouter à l’occasion de l’ « Université de tous les savoirs » qui se tenait pour la première fois à Bordeaux et j’avais apprécié la teneur de son intervention, mettant en contradiction notre propension à fustiger le manque de respect de la jeunesse, sur le thème : « les valeurs ne sont plus ce qu’elles étaient » et en même temps notre élan à les jeter le plus vite possible dans le grand bain de la Consommation ! …
Un peu avant la conférence, les experts-comptables avaient eu la courtoisie de nous laisser nous entretenir avec Luc Ferry durant une petite heure, afin de préparer son intervention à notre 16ème Université Hommes-Entreprises en août.
Malgré sa bronchite, le philosophe nous a ravi de ses réflexions et idées qui savent sortir du «politiquement correct» notamment lorsqu’il parle des conséquences de la mondialisation :
En cela, mai 68 a été un accélérateur, à la fois de la déconstruction des valeurs et de la consommation de masse…
Nous ne pouvons avoir à la fois un enfant addictif à la consommation et un enfant bien élevé : soit il sera le roi de l’Ipod, des jeux vidéo et des Iphone en tout genre, soit il sera féru de littérature, de philosophie et «d’humanités».
L’ancien ministre de l’éducation pointe au passage la dégringolade du niveau scolaire des enfants et ados et nous apprend que tous ses professeurs, en agrégation, rendaient leur copie en Français… et en latin !
Et de montrer la différence entre talent et travail : rendre une thèse en latin ne représente que du travail, pas de talent spécifique… là où Zidane, lui, avait pour le foot un talent incontestable (mais on sait qu’il travaillait également beaucoup, contrairement à ses infortunés successeurs en Afrique du Sud !)
Emancipation et travail des femmes, liberté de choisir leur mari, donc mariage d’amour et risque de divorce qui est la rançon de l’amour ; dans le même temps, on assiste à une sacralisation de l’enfant, ce qui n’était pas du tout le cas il y a quelques siècles (voir : L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime par Philippe Ariès, Plon)
Luc Ferry entend par sacré, ce qui est digne de sacrifice : Dieu, la patrie, la révolution.
Toutes ces grandes figures ont été démolies en 30 ans ! et plus personne ne veut mourir pour Dieu ou pour la patrie : par contre, on est prêt à donner sa vie pour les humains : d’où la 5ème idée (que je partage entièrement !!)
Il faut que les salariés innovent, mondialisation oblige : mais pour cela, il faut les rassurer car la peur est liée à la logique de l’innovation (note : ce n’est pas un hasard si, dans l’entreprise, le sujet de formation n° 1 depuis 5 ans est la gestion du changement) ; Hors, pour les rassurer, il faut leur donner du sens, amener notre société à plus de spriritualité.
Eric Orsenna, de retour de Chine, lui fait part d’une rencontre avec des Chinois qui commence comme cela:
« Vous, les Européens, c’est étonnant, vous n’aimez pas vos enfants ! » lui assènent-ils !…
Etonnement d’Eric Orsenna, bien au fait des largesses de l’Etat Français en matière de prestations sociales !
Réponse des Chinois :
« Mais oui, puisque vous êtes en train de laisser à vos enfants des déficits abyssaux et donc, de leur ôter toute marge de manœuvre pour vous développer, pour innover, pour vivre… »
A bon entendeur !…
Luc Ferry sera un des invités de la 16ème Université Hommes-Entreprises au château Smith Haut Lafitte, le 26 août 2010, sur le thème : « Quelles valeurs transmettre ? »