Un petit document hallucinant qui va certainement vous faire réagir et alimenter le débat… Humiliation, dépression, démission: l’offre triple play de France Télécom 25/09/2010 | 09H07 Un ancien directeur régional raconte le plan machiavélique de l’entreprise pour faire partir 22 000 personnes du groupe sans avoir à les licencier. C’était en 2006. La femme, cadre supérieure chez France Télécom, entre comme une fusée dans le bureau de son supérieur hiérarchique : “Je te préviens, ici, il n’y a ni micros ni caméras. Je suis mandatée au plus haut niveau pour te dire que tu n’as plus rien à attendre de l’entreprise. On fera tout pour que tu partes, sinon, on te détruira !” Puis elle sort du bureau, laissant son chef, Christian, halluciné. Ce directeur régional de France Télécom, qui dirigeait 13 000 personnes, a longtemps hésité avant de nous raconter ce qui va suivre. Il a 57 ans. Il sait qu’il est le premier responsable à révéler ce qu’il a vu dans son entreprise. Ce qu’il décrit ? La mise en pratique, au sein du groupe France Télécom Orange, d’un management qui fait souffrir les salariés. Ce mois de septembre, cinq d’entre eux se sont encore donné la mort, portant à cinquante-huit le total des suicides depuis trois ans. Christian se souvient du jour, en 2004, où deux cents cadres et directeurs se sont retrouvés à Paris dans un amphithéâtre. Didier Lombard, le pdg de l’époque, leur présente le nouveau visage de l’entreprise : “Je vous préviens : les choses vont changer ! Je viens vous présenter ma nouvelle équipe. Elle va jouer dans un registre que vous ne connaissez pas : ça va être ‘le bon, la brute et le truand’. Le bon, il n’est plus là. La brute, continue-t-il en désignant le numéro 2 du groupe, Louis-Pierre Wenes, c’est lui. Et le truand, pointant du doigt le DRH Olivier Barberot, le voici !” Derrière la blague, Didier Lombard annonce le scénario pour les trois ans à venir : faire partir 22 000 personnes du groupe sans avoir à les licencier. Voici la recette : on incitera des salariés à démissionner ; on en mutera dans d’autres secteurs de la fonction publique ; on signera des congés de fin de carrière. Dans la salle, Christian est bon public. Le rachat d’Orange en 2000 a plombé les comptes. La concurrence est féroce. Pour survivre, il faudra bien réduire les effectifs. Christian sait qu’il va recevoir des directives pour réaliser le projet du pdg : le plan Next. Quelques jours plus tard, cinq ingénieurs qu’il dirige sont appelés à Paris pour suivre un stage de management. Le jour de leur départ, Christian voit l’un d’eux, Philippe, embrasser son collègue et proche ami Serge. Dix jours plus tard, Philippe revient de son stage. “Au premier regard, se remémore Christian, je vois qu’il n’est plus le même. Il me regarde différemment. Il nous regarde tous différemment.” Philippe retrouve son ami Serge au déjeuner, qui lui demande comment s’est déroulé son stage. “Je t’expliquerai les nouvelles règles, répond Philippe. Je passe manager. Tout doit changer. – Comment ça, tout doit changer ? – Tu le verras rapidement. Selon nos patrons, on est trop nombreux ici.” Informé de cet échange, Christian convoque Philippe pour une explication. Elle se déroule dans le bureau de Christian, avec sa table en verre, son canapé, sa table basse ; mobilier corporate lisse et froid comme un bar à sushis. Christian harponne Philippe : “Tu as dit à Serge qu’on était trop nombreux, ici. Ça veut dire quoi ? – Toi qui es dans la hiérarchie, tu dois connaître : c’est le plan Next. Je fais partie des quatre mille qu’on a sélectionnés pour l’appliquer sur le terrain. J’ai un objectif clair : dans trois mois, on doit être dix ingénieurs de moins sur les trente que nous sommes.” Pour virer les dix ingénieurs, Philippe annonce : “On va leur faire comprendre que l’entreprise est en guerre et que dans toute guerre, il y a des morts. Et que bouger, accepter le changement, c’est la vie. – C’est ça qu’on t’a appris dans le stage ? – Entre autres. » Devenu manager, Philippe applique dans son équipe le plan Next. L’open-space qu’il anime est tourneboulé comme un cube. Stéphane, invisible ingénieur d’une équipe commerciale, dirige soudain Rodolphe, qui était son supérieur la veille. Thierry, un cadre qui refuse la promotion qu’on lui impose, se voit rétrogradé et placé sous l’autorité d’un de ses subalternes. Philippe ordonne, place et déplace les employés. Dans l’openspace, on commence à se regarder de travers. Des camps se forment. On se parle moins à la cantine. Dans son bureau, Christian reçoit des appels de sa direction parisienne. “On me conseille de fixer des objectifs inatteignables, pour pouvoir dire au collaborateur : ‘Je suis désolé, mais là, on ne peut plus continuer avec toi’…” Peu à peu, des infos lui parviennent des boutiques, des centres d’appels, des open-spaces chamboulés par le plan Next : ça va mal. Les salariés commencent à faire des dépressions. Des formules comme “au bout du rouleau”, “envie de suicide” remontent jusqu’à lui. Il décide d’alerter Paris et envoie des e-mails à la DRH du groupe. Christian ne reçoit aucune réponse. Jusqu’à ce matin de 2006 où Simone, membre de son équipe d’encadrement, débarque en trombe dans son bureau pour lui déclarer que sa hiérarchie ne veut plus de lui. A dater de ce jour, des cadres sous les ordres de Christian passent devant lui sans le regarder. Il se demande comment Philippe, bon et solidaire, a pu devenir en dix jours un manager capable de muter, tel un pion, un collègue avec qui il déjeune à midi. Il imagine de redoutables techniques de lavage de cerveau. Il en parle à Oscar, un cadre de la direction parisienne du groupe, qui lui a gardé son amitié. Christian ne peut pas mieux tomber : Oscar a participé au fameux stage où l’on a formé Philippe aux techniques pour mobiliser les employés et leur “faire accepter le changement”. Un soir, loin des bureaux, Oscar lui donne les fiches pédagogiques qu’il a reçues comme Philippe lors de leur stage parisien dans les locaux d’Obifive, une société internationale de coaching en management. Il découvre un curieux schéma. Un plan de la bataille d’Angleterre de 1940, qui vante la “précision” et la force de “l’exécution conf¡orme” des avions de chasse allemands. Intrigués, nous demandons un rendez-vous à Céline Lerenard, la directrice associée d’Obifive : “Ce n’est pas un peu bizarre, de comparer les concurrents de France
Témoignage incroyable. On sait ce qui s’est passé chez FT-Orange mais le démontage du microsystème qui débouche sur ce maxidrame est édifiant. Comment des consultants peuvent-ils concevoir de tels process ? Comment des DRH peuvent-ils acheter de telles prestations ? C’est à mon sens un bel exemple de la virtualisation des relations humaines. Un homme devient une équation, un problème devient une courbe, une business unit devient un tableau excel. C’est un peu comme la Bourse, qui devient l’économie alors qu’elle ne devrait en être que le baromètre. Si le symbole sert à traduire une idée ou un concept, il ne doit jamais devenir l’idée ou le concept. Nos relations sociales se virtualisent et le sens se perd. Heureusement que dans cette grisaille sociétale, quelques bougies maintiennent l’espoir. Comme le film « Des Hommes et des Dieux » qui passe ce week end le cap des 2 millions d’entrées. 2 millions de citoyens qui ont laché leur i-phone, levé le cul de leur canapé, rangé leur nunchuk, pour aller prendre une claque de spiritualité et d’espoir. Croyants ou Athées, ces 2 millions de spectateurs sont sortis de là la gorge serrée, les neurones rafraîchis, les priorités recalées, sur ce qui relève du futile et ce qui touche à l’essentiel, sur ce qui est de l’instant et ce qui touche à l’éternel. Allez, tout n’est pas noir…