J+ 2 semaines : coopération/compétition : que reste-t-il ?…
… de ces 2 belles journées de conférences-débats-partage …
Que pouvons-nous en retirer pour l’avenir : ce que j’en pense, comme organisateur…
La première chose qui m’a frappée, et touchée, c’est la connivence qui prévalait entre participants, conférenciers et nous, organisateurs de cette 18ème Université sur coopération-compétition.
Pour vous, lecteurs, qui n’étiez pas là, c’est comme si vous pensiez que vous êtes le seul (la seule) à penser que l’avenir se construit avec plus de coopération entre les gens, plus de bienveillance et de respect dans l’entreprise, plus d’optimisme pour affronter les dures réalités de la vie et que vous vous retrouvez avec 559 autres personnes, pour la plupart cadres opérationnels, qui pensent comme vous !
1er constat : valoriser les hommes et les femmes, c’est un constat partagé, une intuition que c’est la bonne voie à suivre : facile sur le papier, exigeant dans la réalité, car, comme le rappelait le Président de France Télécom, Stéphane Richard : « la confiance, c’est chaque jour qu’il faut la construire… ».
Les conclusions sur coopération-compétition ?
Michel Serres et « la Petite Poucette »
Rendez-vous compte ! internet, c’est une vraie transformation, aussi importante que l’arrivée de l’écriture, quelques millions d’années en arrière, où l’arrivée de l’imprimerie, qui a permis une diffusion massive des savoirs…
Donc, 2 conséquences :
1) Le rôle du professeur, ou du cadre expérimenté vers le jeune, n’est plus le même : avant, son métier était de donner l’information, aujourd’hui, son talent est de faire progresser les autres (sens étymologique du mot : « autorité »).
2) Il faut accepter que Petite Poucette (je jeune qui manie si bien les smartphones avec ses 2 pouces !…) soit différent de nous : il est né dans un monde connecté (pas moi, qui ait connu l’époque des dactylos !)
3) Il faut donc coopérer avec elle, de même qu’elle doit s’enrichir de notre expérience…
Michel Authier, l’ami et confident de l’autre Michel, complète : pour coopérer, il faut avoir confiance évidemment…
Hors, tous les processus de taylorisation, de contrôle (ce qui s’accentue en ces temps de crise…), visant à faire des gains de productivité, pondèrent les motivations de coopération et de solidarité…
(voir la réflexion de Patrick Lemattre sur l’entreprise horlogère : https://ceca.asso.fr/2010/08/25/lepontdarcolelejazzetlemanagement)
Le monde change, grâce aux innovations, aux découvertes, qui se font collectivement : c’est le collectif qui créé de la valeur …
Stéphane Richard, encore : « j’ai ressenti le besoin de la mesure de la performance collective pour réconcilier l’économique et l’humain ».
La coopération est donc incontournable…
2 exemples de coopération exemplaires nous sont offerts par des personnalités issues du monde de l’entreprise.
Les deux vont se donner à fond pour, convaincre et impressionner le public.
Laurent de Cherisey d’abord, qui, sorti par le haut du monde de l’entreprise (il a bien revendu son agence de communication), s’intéresse aux entrepreneurs sociaux puis aux personnes ayant subi un traumatisme crânien (accidentés de la route, majoritairement…).
Parti pour 2 ans, il est toujours aux commandes de Simon de Cyrène, l’association qu’il a fondée avec des amis et sa famille.
Il découvre là une autre réalité que celle du compte de résultats et du BFR : la fragilité.
« Si le monde n’est que performance et rentabilité, alors, pourquoi maintenir en vie les personnes qui ne pourront plus jamais marcher, bouger, tenir une main, rire ?… »
Atanase Périfan, lui, nous sert sur un plateau la belle histoire de la Fête des Voisins, une belle réussite commencée il y a 10 ans, sur un air de café- théâtre, mais dans lequel tous les acteurs : François Hollande, le Maire de Paris, le Maire de Moscou, l’ami producteur vidéo, la vieille voisine qui le rabroue ou le jeune voisin qui vient de se défénestrer la veille de l’Université, sont vrais…
Même constat que Laurent : il faut savoir donner pour être heureux : il y a un temps pour la relation commerciale, un temps pour le don…
Autre impression de ces 2 jours, partagées par beaucoup de participants : par rapport aux titres des journaux actuels (en écrivant : « actuels », je suis malheureusement conscient que c’est « actuel » encore pour quelque temps !…) :
« La crise européenne,… » ; « chômage : la cote d’alerte » ; « impôts, euro, plans sociaux, … » , une réponse émane de cette 18ème Université HE : la conviction de ces intervenants que TOUT EST POSSIBLE !
… et je ne parle même pas d’évidence, avec le Grand Prix du Livre Optimiste, remis par France Roche et Jean-Loup Chifflet, venus spécialement de Paris pour l’occasion…
Clara Gaymard, en tant qu’ancienne Présidente de l’AFII (Agence Française des Investissements Internationaux) sait de quoi elle parle : « si les Français arrêtaient de jouer au sport national qui est de se déconsidérer et de se critiquer, nous serions loin devant … nous sommes un peuple qui a plein d’atouts : créatif, généreux, innovant,…»
L’auteur de ces lignes connaît le sujet, lui qui s’est fait reprendre par Michel Serres, alors qu’il parlait de la difficulté des Français à travailler en équipe :
« Mon ami, ne critiquez pas les Français, me dit-il, la voix chantante du Lot-et-Garonne atténuant à peine le ton de reproche : moi qui passe encore régulièrement 2 fois 7 semaines aux Etats-Unis, par exemple, je vois ces Américains toujours fiers de ce qu’ils font ! Soyons fiers de ce que nous sommes ! Savez-vous, mon cher, que la France est n°1 mondial de médailles Fields et Prix Nobel rapporté au nombre d’habitants ? » … là, je sens que j’aurais mieux fait de me taire !…
Laurent de Cherisey : au bout de 4 ans, je commençais à me lasser, mais je suis pugnace : pour sortir de l’ornière des lois encadrant (trop) sévèrement les projets sociaux, il a du contacter pas moins de… 4 ministres !… cela a été payant et a donné naissance aux premiers studios d’Issy (une centaine de personnes y vivant, dont une cinquantaine d’handicapés).
Marie-France Roy nous en donne un exemple concret : cadre dirigeante chez SUEZ, elle pose sa candidature pour aller travailler à l’autre bout du monde, un endroit perdu (dont elle rêve !…) : la Terre Adélie…
Ni plombier, ni électricien ou médecin, elle pense qu’elle n’a que peu de chance … ce n’est pas l’avis du préfet qui la nomme chef de base de Terre Adélie !…
Voilà comment cette femme de tête rempli parfaitement sa mission, faisant coopérer des militaires avec des ornithologues ou des appelés du contingent… (il est vrai que c’était à l’autre siècle !…)
Coopération/compétition dans le domaine économique et géopolitique
Jeudi matin, les choses sérieuses commencent : par sérieux, je veux dire grave, préoccupant.
Philippe Dessertine, direct et clairvoyant, donne le ton : la crise, ce n’est pas le monde de la Finance qui en est l’origine (hypothèse du gouvernement), mais bien l’accumulation inconsidérée de la dette : en France, mais aussi à l’étranger…
« La Finance sera régulée dès lors qu’on ne demandera plus à la BCE de faire marcher la planche à billets… »
Son souci n’est pas tant la Chine, même s’il critique l’ostracisme des chinois en matière de comptes nationaux, mais bien… les Etats-Unis, qui, tout Obama-Démocrates qu’ils sont, ne sont absolument pas prêts à rembourser leur dette astronomique… et font marcher la planche à billets.
Depuis « Décompression », on sait que risque économique et risque géopolitique sont liés : à écouter le brillant Pascal Chaigneau (4 doctorats, record de nos intervenants depuis 18 ans… et en plus, avocat !…), le monde est en ébullition – sauf peut-être en Europe de l’Ouest… et même dans les zones calmes, personne n’est à l’abri des mouvances al-quadiennes… (voir le 11 Septembre…)
En parfait connaisseur des jeux de pouvoir à travers le monde géopolitique, Pascal Chaigneau s’en prend également au géant américain et lance en forme de boutade : « Bush père avait accumulé de l’intelligence pour 3 générations !… » : pourquoi avoir déclenché la guerre en Irak en 2003, si c’était pour arriver au chaos que l’on connaît, des dépenses en armement totalement inconsidérées, qui participent allègrement au creusement du déficit américain ?
Le désastre de cette guerre (gagnée sur le papier) est l’exemple type de l’échec de l’imperium américain, pris dans une logique de compétition perdante…
Pour cela, Pascal Chaigneau pense que le risque d’une guerre Chine-USA n’est même pas équivalente à l’épaisseur d’un papier à cigarette ! … ce que ne dément pas Julien Chandet, économiste franco-chinois formé à la crème de Normale Sup : n’ayez pas peur de la Chine, elle a besoin de vous au moins autant que vous avez besoin d’elle, dit-il en substance.
Elle a même besoin d’une Europe forte, qui puisse contre-balancer le pouvoir des Américains, avec un euro fort, qui serait une autre monnaie internationale de référence…
Aux affaires, l’entrepreneur-investisseur Gonzagues de Blignières nous propose une réflexion plus pragmatique, recentrée sur l’entreprise : pour créer des emplois, dit-il, il faut des employeurs…
Avec des amis patrons de grands groupes, ils ont mis la main au portefeuille pour apporter conseil et capitaux à des jeunes des cités (voir l’expérience d’Aziz Senni : « l’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier ») ou au Réseau Entreprendre, fondé sur la solidarité.
Après ces questions de stratégies internationales sur la coopération, il est presque trivial de faire le lien avec des sportifs de haut niveau.
Le CECA fait néanmoins monter sur scène 2 figures emblématiques du Sud Ouest : le navigateur Lalou Roucayrol, 2ème à la Route du Rhum 2010 et le rugbyman Patrice Lagisquet, triple champion de France avec le Biarritz Olympique.
Sur mer, la coopération : entre les marins, avec l’équipe de soutien à terre (météo, médecin,…) est souvent une question de vie ou de mort : Lalou le sait bien, lui qui a été sauvé par un cargo après le naufrage de son trimaran…
Au rugby, c’est à la fois la base (on ne progresse qu’en passant le ballon en arrière) et l’essence du succès : chaque numéro a un rôle précis à jouer, encore plus précis, semble-t-il, que dans l’entreprise : le N°10 fixe le N° 10 adverse, pendant que les avants attirent sur eux le gros des troupes…
Même avec une professionnalisation et une emprise plus forte de l’argent, on sent que le rugby ne rejoindra jamais les excès du foot, dieu merci : le collectif d’abord !…
Collaboration et empathie : mythe ou réalité ?
Si les hommes s’illustrent dans nombre de disciplines sportives où le collectif est déterminant (saluons au passage le récent exploit des handballeurs français pour leur 3ème sacre aux J.O. de Londres…), pour les chimpanzés et de façon générale, pour la plupart des grands mammifères, l’affaire est entendue, selon l’éthologue biologiste Frans de Waal, (venu tout droit d’Atlanta pour nous le dire…merci, Frans !), ils sont parfaitement capables d’empathie, y compris vis-à-vis d’espèces étrangères…
Les bêtes seraient-elles moins bêtes que les humains ?!!… en tous cas, les nombreuses expériences filmées que nous montrent Frans de Waal le montrent : les chimpanzés, éléphants, dauphins, baleines, font montre de beaucoup plus d’empathie que souvent les humains dans des situations similaires…
Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter l’histoire vraie, rapportée par Frans dans « L’âge de l’empathie » (ed. Les Liens qui Libèrent), celle d’une baleine prise dans de nombreux filets, dérivant au large du Canada.
Des canadiens se mettent en quête de la délivrer : l’affaire n’est pas simple : « Mobby Dick » a une douzaine de filets de pêche dans lesquels elle s’est entortillée, et les marins s’aperçoivent que la seule alternative pour essayer de la délivrer est de plonger en évitant absolument les terribles mouvements de balancier de la nageoire dorsale…
Au bout d’une heure d’efforts ininterrompus, la baleine, enfin délivrée, s’éloigne pour décrire un large cercle, revient ensuite près du premier plongeur, lui effleure la bouche comme pour le remercier de ses efforts, et recommence avec les huit autres nageurs…
Incroyable histoire (vraie, bien sûr) qui nous montre combien les grands animaux (ceux dotés de neurones miroirs…) sont capables d’empathie…
Le mot de la fin : plutôt que des rapports de force…avoir des rapports de flux…
C’est à un conférencier expérimenté, scientifique, chercheur et surfeur, que nous avions confié la tâche ardue de clôturer cette 18ème Université Hommes-Entreprises : bien nous en a pris !
Joël de Rosnay ne savait pas, fin 2011, qu’il était en train de mettre la dernière main à un livre traitant parfaitement du sujet de notre Université : coopération/compétition ! et d’ailleurs, nous non plus !!…
Parfois, on nous dit que les conférenciers devraient un peu plus traiter le sujet : là, impossible d’être plus dedans !
Le célèbre prospectiviste nous annonce que nous sommes déjà dans un autre monde.
Il nous invite à appréhender ce nouveau monde comme on aborde une vague en surf : comme le surf, la vie, l’entreprise, vivent un déséquilibre permanent, qui implique de s’adapter et de prévoir.
Considérons que la vie est un rapport de flux, comme le cerveau, plutôt qu’un rapport de force, qui implique forcément l’escalade dans la domination de l’autre et donc des rapports précaires faits de domination ou de soumission.
Comme Matthieu Ricard l’an dernier, comme Frans de Waal, Joël de Rosnay nous invite à plus d’empathie, aux rapports gagnants-gagnants (évoqués par Axelrod dans la théorie des jeux) qui permettent de donner, avec des contre-parties où l’autre donne à son tour : le : « oui, mais » remplacé par le : « oui, et » ; le : « et » qui additionne, qui accepte et qui propose d’autres choses en plus – pas en moins.
D’ailleurs, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot donneront dans leur livre et sur scène de nombreux exemples de coopérations réussies dans la vie : à commencer par les expériences de voiture ou de logements partagés…
Joël cite en conclusion le grand critique d’art Stève-René Berger : « Plus tu donnes, plus tu restes »
Finalement, cette conclusion n’est pas si différente de celle de Philippe Gabilliet en 2011 : « la chance, n’est-ce pas être soi-même une opportunité pour l’autre ? »…
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