Le soleil de l’ouest est au rendez-vous pour notre 2ème session du cycle Valoriser le capital humain, à Nantes, organisé en partenariat avec les DRO (Dirigeants Responsables de l’Ouest).

C’est Frère Samuel, de la Communauté Saint-Jean, qui intervient.

Passionné de mise en scène (il a créé des rencontres où il exerce ce talent, le « Parvis d’Avignon »), docteur en philosophie et en théologie, Frère Samuel livre un diagnostic sans concession sur la société actuelle, sans pour autant nous cacher son admiration pour les entrepreneurs, à travers ses nombreuses interventions pour des associations comme le CJD.

 

Où en est-on de la relation humaine ?

  • Qu’est ce qui a bougé dans l’entreprise ?
  • Qu’est-ce qui n’a pas bougé ?
  • Sur quoi on doit mettre les points d’inflexion ?

 

  • Les grandes mutations dans la relation humaine

  1. Le nombre de personnes en relation
  • En 1900 : la moyenne de fréquentation d’un habitant était une zone couvrant de 200 à 300 pers, sans mutation culturelle rapide

Et cela fonctionnait de cette manière depuis plus de 8000 ans !

  • En 2018 : Nos enfants vivent dans un cercle élargi de 2 à 3000 personnes
  • Le rayon d’action, c’est la Terre
  • Peu de stabilité, plein de mutations
  • L’environnement techno est très important
  • Nos enfants ont combien de milliers de neurones à gérer par jour ?
  • Entre 1975 et 1985, on connaît une augmentation exponentielle de la consommation, de la communication
               2. Influence de l’informatique et des datas:

L’informatique prend de plus en plus de place dans nos vies et nous fait accélérer

Nos datas, c’est aussi notre cohérence interne : elle n’est plus chez nous.

Il y a une accélération des informations, des liens et une complexification des liens.

Place considérable de la technologie et de la consommation dans nos vies

Conséquences :

  • Les choix secondaires occupent beaucoup plus que les choix prioritaires
  • Difficulté à choisir : Trop de choix tuent les choix
  • La vie collective est subordonnée à la consommation
                3. Influence de la globalisation:

 Synergie dans laquelle se trouve l’humanité : c’est l’interdépendance de tout le monde avec tout le monde au-delà de la conscience

Caractéristique : l’accélération ; instantanéité

Au téléphone, devant un écran : je suis ailleurs

                4. La place gigantesque de l’image et la réalité affective

En 7 min de scooter on ingurgite 200 affiches ; il faut avoir le temps de les interpréter

Les gens s’énervent plus facilement

Existence du 2ème cerveau : internet et les ordinateurs

Plus mon ego est grand, plus mon « je » » est faible

Bilan : on vit une époque très paradoxale dans laquelle le meilleur et le pire co-existent et donc il y a des opportunités

Manipulation permanente des symboliques pour les achats

On vit dans un monde artificiel, car déconnecté de la nature.

L’artificiel me dit ce que pense l’Homme sur les choses.

  • Ce qui n’a pas changé :

L’entreprise : elle reste une communauté humaine organisée, avec une organisation traçable

On ne travaille plus à la maison : la maison n’est plus un lieu d’apprentissage domestique

A l’école, on manipule, mais on ne maîtrise plus…

 

Les pôles de renouvellements

Travailler c’est le lieu de réalisation de la personne humaine, car le métier régit le réel

Le travail c’est l’acquisition d’un savoir-faire (et donc de savoir-être)

Je vaux ce que j’ai fait ; le dirigeant doit permettre aux autres de le faire

L’entreprise nous permet de savoir : qui nous sommes, ce que nous valons

L’entreprise est un lieu de relation, de bien commun : on est d’abord des gens communs, pas parce qu’on est différent…
on a tendance à voir le monde à son service…

La finalité humaine (« purpose »), c’est l’intention commune qui nous anime : elle n’est pas définie par le patron ; que choisissons-nous de vivre ensemble en fabriquant des dentifrices ?

Chacun est à égalité pour le définir

Le patron décide du projet

Frère Samuel distingue deux organigrammes :

  • Celui des compétences : dans le travail
  • Celui des qualités humaines ; ex : la bonté, la gratitude : la vie est un cadeau

Comment manager la bonté ?

 

  • Que faut-il changer ?

  • Il faut que l’être reprenne le pouvoir sur le pouvoir

Dans les années 80, on a oublié la relation avec l’autre ; l’autre, c’est celui qu’on a choisi d’aimer

Il est important de choisir tout ce qui nous permet d’être dans la relation humaine

Aimer, cela dure 3 ans ; il faut de la volonté

 

  • Passer de l’égo à l’altérité : c’est l’autre qui me permet de me réaliser

On ne voit jamais son visage, seulement des reflets, une image

Les seuls qui la voient, ce sont les amis (car ils voient notre visage, de près)

J’ai besoin du regard de l’autre pour savoir qui je suis.

Le dirigeant devrait avoir un interlocuteur dedans et dehors

Il faut pouvoir favoriser la confiance, la bienveillance volontaire

Pour limiter les dégâts, travaillons sur l’attitude intérieure.

La bonne nouvelle, c’est que l’amitié, la relation, se sont beaucoup développées.

Plus la pression externe est forte, plus la confiance interne est importante.

La bonté est aussi importante que la compétence.

La culture de la bonté est un des lieux de la relation homme/femme

bonté : gratitude, émerveillement, interrogation, magnanimité, exigence avec humour

 

  • Passer de l’espoir à l’espérance

Après les 60 glorieuses, ré-atterir ; le monde est tel qu’il est : bon et malhonnête, apaisé et violent, généreux et égoïste, …

L’espérance, c’est, avec nos fragilités, voir ce qui dans aujourd’hui, rend possible demain

Il faut se confronter à la dureté de la vie

L’espérance est dans le cœur des pauvres ; ils n’ont pas d’espoir (pas de signes que les choses changent)

  • Prendre conscience de l’effacement du code culturel

Il y a encore 50 ans existait un référentiel culturel en France, du moins : la référence à l’instituteur, au maire, au curé.

Aujourd’hui, il n’y a plus de vérité collective.

Notre seule identité, c’est celle de consommateur…

Nous sommes dans un mode avec plein d’opportunités, mais pas forcément plus de liberté…

On est à la fois collectiviste et individualiste.

En Europe, on n’a que deux avantages compétitifs : la créativité et l’éthique

On a occidentalisé le monde et en même temps, on a perdu le pouvoir

 

  • Tenir la fragilité comme qualité centrale de la condition humaine

La faiblesse, c’est l’erreur, la faute, la déficience, les défauts

La fragilité, c’est une manière d’être : la dépendance, la recherche permanente de la vérité, l’innovation sans être sûr d’y arriver

Alliance entre l’être spirituel et le corps

La fragilité, c’est le risque ; aller au-delà des assurances, faire un pas vers l’autre

Allons-nous prendre le risque les uns des autres ? (ex : l’Europe)

La subsidiarité : le supérieur couvre le risque du subordonné

Trois catégories prennent des risques :

  • les chefs d’entreprise
  • ceux qui font des spectacles vivants
  • les parents !

La maladie française, c’est l’acidité critique.

L’entreprise doit être un lieu de motivation où il y a du sens collectif au service du bien commun.

Sous-groupes

c’est par les attitudes plus que par les discours que l’on influence : saluer : pas seulement, c’est la manière de saluer

la formation des managers devrait être bp plus sur la relation humaine : cela ne s’apprend que par contagion

aux USA, un chef d’entreprise français a donné carte blanche à ses équipes pour organiser les secours, après un ouragan : les salariés en ont retiré une grande satisfaction.

la valorisation des actes se fait dans la convivialité

pratiquer la dénonciation positive !

La vie c’est profiter de la vie en étant disponible à l’égard des dons

Il faut arriver à prendre du temps

Se changer pour changer le monde

Amour, bonté, pardon : on ne sait pas en parler dans l’entreprise…

La relation à l’autre est essentielle.

Il faut se libérer par la décentration : l’autre, Dieu…

  1. identifier les relais humains de l’entreprise
  2. qu’est-ce que vous apportez humainement à vos équipes ? à votre entourage ?

 

50% de la population pense qu’après la vie, il n’y a rien…

Sur les jeunes :

Les jeunes en général vont droit au but : autre chose que la manipulation

L’intergénérationnel ne se fera pas tout seul

Pour les jeunes, le monde est foutu : que peut-on faire en attendant ?

A HEC, pour la 1ère fois, Frère Samuel a eu des jeunes en face de lui, qui n’attendaient rien…

Expliquer aux jeunes que l’amitié peut durer 40 ans et qu’en plus, au bout de 40 ans, c’est irréversible

Les jeunes ne connaissent le corps que par le virtuel…

Il faut les aider à découvrir qui ils sont

La dette est une injustice intergénérationnelle

 

Les attitudes positives du dirigeant en matière de leadership :

  • Laisser la liberté de parole
  • Montrer sa fragilité
  • La bonté génère de l’efficacité
  • Son ami PDG va chercher dans le cœur des autres les solutions ; sur quoi on devrait bouger ?
  • Dire : est-ce que je peux faire qq chose pour toi ?

Conclusion

Une fois de plus, nous prenons conscience, avec Frère Samuel, qu’il faut avoir le courage de voir la réalité de la société en face: essentiellement matérialiste, individualiste, déconnectée de la réalité (omniprésence du virtuel), où le sentiment de perte de contrôle est important.

Dans ce monde, l’entreprise est un lieu de potentiel formidable: le lieu où s’exerce des talents, à travers le métier, qui permet de s’identifier.

Le défi du sens ne peut se relever que collectivement, en travaillant notre attitude intérieure, en acceptant notre fragilité, en favorisant la confiance et même au-delà, la culture de la bonté.

Le dirigeant a encore le pouvoir de définir un cadre avec du sens.

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo by Daniel Kuruvilla on Unsplash