Jamais on n’aura autant décrié les LBO* que durant cette période de crise financière…
Beaucoup s’inquiètent, à juste titre, de l’issue d’un certain nombre de LBO, que les entreprises vont avoir le plus grand mal à rembourser.
Comme fréquemment, on décrie un système après l’avoir porté aux nues…
Lors d’un dîner d’anciens du programme Executive CPA, à Bordeaux, j’ai eu l’occasion d’écouter le témoignage captivant d’une « success story », celle de Ceva Santé Animale, par son PDG, Philippe du Mesnil.
L’histoire commence plutôt mal : à l’époque (1995), le groupe Sanofi cherche à vendre sa filiale vétérinaire, Sanofi Santé Animale, jugée non stratégique ; mais sans succès : première déception : si elle ne se vend pas, c’est donc qu’elle n’a pas de valeur ? …et premier constat du DG Philippe du Mesnil : si on n’a pas de valeur sur le marché, c’est parce qu’on n’a pas de projets…
Après avoir évité de justesse la vente à un groupe d’investisseurs peu recommandable, le dirigeant mobilise ses adjoints et négocie la sortie de la filiale au moyen d’un LBO bien préparé et d’un projet d’entreprise à 5 ans.
Prise de risque : pour s’assurer une part non négligeable du capital, Philippe du Mesnil investi dans la nouvelle société (Ceva Santé Animale) pas moins de 2 ans de son salaire et convainc ses cadres dirigeants d’investir 1 an de leur rémunération.
Leur projet est simple : s’approprier la société pour maîtriser leur destin en jouant sur une forte mobilisation des salariés.
La stratégie : se lancer dans les vaccins, y compris ceux qui avaient à peu près disparus (et auxquels leurs concurrents ne croyaient pas) et se développer à l’international.
Le rythme de travail est dantesque mais les résultats sont impressionnants : en 8 ans, le chiffre d’affaires passe de 150 M€ à 400 M€ et les bénéfices sont multipliés par 7 !!
Dans le même temps, le « pacte d’actionnaires » est élargi : de 15 cadres (essentiellement le Comité de Direction) en 1999, il passe à plus de 400 cadres en 2007 et leur mise de fond est multipliée par 7 !!
La communication interne, la politique RH ont été déterminantes dans cette réussite : durant toutes ses années, Philippe du Mesnil et son équipe dirigeante n’ont pas ménagé leurs efforts pour encourager les salariés à investir dans la société et à se dépenser sans compter.
La communication était claire : « c’est un investissement, vous prenez des risques » ;
Mais l’exemplarité des dirigeants a certainement convaincu : au 2ème LBO, ils ont réinvesti 2/3 de leurs gains !
Enfin, ils ont su également bien négocier leur reprise, en 2007, en préemptant la vente pour prendre le contrôle de la société et éviter ainsi la mise en place d’une dette énorme dont les frais financiers auraient épuisé les ressources de la société au détriment de l’investissement.
De cette expérience tout-à-fait probante, je tire 2 enseignements:
* LBO : Leverage Buy Out : c’est le financement d’acquisition d’une société par l’emprunt. Pour racheter une société, on a recours à l’endettement bancaire en générant un effet de levier qui facilite l’acquisition.