C’est dans le cadre exceptionnel offert par les Sources de Caudalie, que la 7ème édition du Cycle Valoriser le Capital Humain a eu lieu. Un environnement propice aux échanges qui a accueilli les jeudi et vendredi 15 et 16 mars, un philosophe français, Charles Pépin.

Cette première session du cycle, dédiée au thème des vertus de l’échec, amène une nouvelle vision et laisse place à la réflexion. Charles Pépin nous montre comment chaque épreuve, parce qu’elle nous confronte au réel ou à notre désir profond, peut nous rendre plus lucide, plus combatif, plus vivant et nous mettre sur la voie d’une authentique réussite.

Qu’ils s’appellent Rafaël Nadal, Steve Jobs ou encore Barbara, ces grands noms ont tous fait de leurs échecs une force, chacun à leur manière.

En effet lorsque nous échouons, des questions viennent à nous et engendrent une remise en question.  Nous avons tous vécu ce genre de moment dans le champ de notre existence car l’échec est lié à la nature de l’Homme. C’est quand le réel nous résiste que nous l’interrogeons et que nous en mesurons la complexité nous dit Charles Pépin. Mais alors comment tirer profit de ses échecs et quelles vont être les conditions pour que ceux-ci soient profitables à notre apprentissage ?

Nos échecs: une partie intégrante de nos apprentissages

Nous allons, tout au long de l’intervention, aborder plusieurs lectures de l’échec :

La première est que nous pouvons tirer une leçon de nos échecs pour apprendre plus vite car la vertu de l’échec est de réussir dans une voie qui nous correspond. En effet l’erreur est la manière humaine d’apprendre. Nous pouvons retenir que les leçons des échecs se retrouvent dans différents domaines :

  • Sportif avec les exemples de R.Nadal et R.Gasquet qui ont connu respectivement des évolutions différentes, l’un grâce à ses échecs et l’autre justement à cause de ses succès sans échecs.
  • Scientifique car si l’on fait une étude du progrès de la science, l’on voit bien que la plupart de tous les savants se sont d’abord trompés et qu’il n’y a pas de chemin qui aille à la vérité sans passer par l’erreur ; la vérité est toujours une erreur rectifiée.
  • Notre culture, nos racines, notre éducation et notre famille sont aussi l’héritage de ce que nous ratons. Nous apprenons bel et bien de nos échecs et de ceux de nos aïeux. C’est le propre de la civilisation. Cela fait à la fois notre perfectibilité et notre grandeur mais c’est également ce qui nous conduit à être libre.

Ainsi donc, les échecs font partie intégrante de l’apprentissage. L’échec permet de corriger pour l’avenir ce qui nous a conduit à échouer, et nous pousse également vers une plus grande volonté de réussite. Il faut donc retenir qu’un échec n’est jamais vain et qu’il pourra nous conduire vers une réussite future.

L’Homme commence d’abord par se tromper et les neurosciences nous disent aujourd’hui qu’il a même besoin de se tromper. En effet les études montrent que lorsque l’on se trompe, notre cerveau prédit l’erreur juste avant. Cela ne nous empêche pas de la faire quand même car c’est un temps tellement rapide que nous n’avons pas la possibilité de l’intégrer mais c’est à partir de cela que le cerveau envisage d’autres chemins et qu’il est créatif. On remarque par exemple que tous les enfants très créatifs se trompent plus : il y a une association immédiate entre le fait de se tromper et d’être intelligent et créatif ; il y a une proximité entre l’intelligence et l’erreur.

Se tromper est une chose saine qui participe à un processus d’apprentissage : ne pas se tromper c’est se soumettre à la norme. En effet, de nos jour, l’erreur est sanctionnée car elle est un écart à la norme. Or quand tu échoues tu vas vers ton talent singulier. On peut alors se poser la question suivante : vaut-il mieux rater de manière originale ou réussir comme tout le monde ?

l’échec annonciateur de succès

Charles Pépin nous parle également de la vertu de bifurcation. Il nous explique que l’échec est souvent considéré comme une chose négative. Peu de personnes sont prêtes à prendre le risque d’échouer encore et encore. Pourtant ce fut les cas de l’incroyable élan vital dont ont fait preuve la chanteuse Barbara ou le Général de Gaulle pour surmonter leurs durs échecs respectifs et arriver là où ils sont arrivés. Ce qui a, en quelque sorte, forgé leur caractère. Ils ont continué à s’obstiner malgré leurs échecs afin de se perfectionner ou de réussir dans le domaine où ils espéraient s’illustrer. L’échec n’est donc pas une fin en soi, mais plutôt le signe que le succès approche à grands pas. Encore faut-il être capable de ne pas se décourager et d’essayer encore.

En effet il ne faut pas toujours être obsédé par ce que l’échec apprend car il n’y a pas toujours un enseignement à en tirer. Chaque porte qui se ferme est une fenêtre qui s’ouvre et en ce sens les échecs sont des ouvertures de champs inédits dans ce champ du possible de l’existence humaine. En effet, le désœuvrement de l’échec peut amener de l’intérêt et de la créativité alors que le coût du succès donne souvent le sentiment d’être soi-même son succès et dans ce cas nous perdons notre créativité et notre disponibilité à autre chose. La difficulté réside, en effet, dans la capacité à garder la tête froide et à savoir se renouveler afin de pouvoir connaître de nouveaux succès. L’échec va alors être l’occasion de se saisir de sa liberté en rebondissant ?

D’autres disent aussi que nous héritons chacun d’un désir inconscient et que l’échec serait alors l’occasion d’entendre ce désir inconscient. Le problème de l’échec, c’est quand il se répète. Une lecture psychanalytique nous dira que le symptôme se répète car on ne l’entend pas. L’échec ici a pour vertu de nous mettre face à notre destin et à notre inconscient. Ces échecs nous amènent soient à en tirer des apprentissages, à persévérer et à réussir, soit à changer de voie. Bien entendu, dans la douleur de l’échec, il est difficile de se dire:  je vais en tirer des leçons ou je vais tout changer pour bifurquer ailleurs.

Il existe également une autre lecture qui nous dit que l’échec est une preuve d’audace. En effet, oser décider, c’est oser l’échec. Les décideurs et décideuses connaissent des échecs sinon c’est qu’ils ne décident pas, car décider, c’est ne pas savoir, sinon nous appellerions cela choisir. Nous devons décider dans l’incertitude de la vie et cela demande du courage, car l’on peut se tromper.

La norme est valorisée, pas la singularité

La gloire de l’humain n’est pas de savoir mais d’agir sans savoir. « Que de choses il faut ignorer pour agir » nous dit Paul Valéry : l’idée peut être valorisée alors comme preuve d’audace. Aujourd’hui, nous valorisons la norme et pas la singularité. Ce qui compte ce n’est pas le succès mieux que l’échec mais l’échec de la singularité et le succès de la singularité. Ce que mon échec et mon succès me disent sur mon avancée et sur ma voie de la singularité. Ceux qui ne font que réussir ont la sagesse du regard dans le succès et se réinvente comme s’ils avaient échoué. Ce qui compte alors c’est de se questionner sur ce que l’on fait et ce que l’on veut en faire.

« Il faut se réinventer pour gagner encore » , Claude Onesta 

photo JM Laugery

 

c’est là la créativité qu’il faut avoir pour ne pas se laisser définir ni par son succès ni par son échec : deviens ce que tu es, réalise ta singularité et ainsi ne soit pas blessé par tes échecs.

En effet la plupart de ceux qui réussissent longtemps ne font pas que répéter la même recette et ne se définissent pas par leurs succès. Finalement il est important de ne pas raisonner en termes d’échec et de succès mais plutôt en termes de poursuite et de créativité car nous serons plus vivants que si nous nous laissons enfermer dans l’enflure de l’être. Échecs et succès sont l’occasion de saisir sa liberté et ne sont pas des étiquettes qui nous définissent.

L’échec peut aussi être vécu comme une leçon d’humilité, ou un moyen de mesurer ses limites. Tel est le cas, par exemple, de Steve Jobs, renvoyé d’Apple et affirmant que c’est la meilleure chose qui lui soit arrivée. Un échec qui lui a permis de perdre son arrogance, puis de revenir plus créatif que jamais. Humilité aussi des savants, qui vivent avec l’échec et savent que les progrès du savoir passent par la correction permanente des intuitions fausses. Les vertus de l’humilité permettent de remettre les pieds sur terre. Il ne faut pas chercher à rebondir trop vite au risque de ne pas réussir à rebondir du tout. En effet nous pouvons et devons prendre le temps d’assimiler nos échecs car ils nous humanisent. Les échecs nous préparent aux échecs futurs et nous apprennent que l’on peut se relever et que la vie continue. Ils nous immunisent également contre l’arrogance.

Les 5 conditions d’un échec « vertueux »

Mais tous les échecs ne sont pas vertueux : Ils existent cinq conditions pour qu’ils le soient :

  • Il ne faut pas de déni de l’échec (certaines personnes n’intègrent pas l’échec) : l’échec doit être reconnu.
  • Il ne faut pas s’identifier à son échec : je ne suis pas mon échec (c’est l’échec de mon projet, de mon idée de mon initiative mais pas de mon moi) mais je l’assume : il faut distinguer « mon » échec et l’échec de mon « moi ». Ne pas confondre l’échec de notre projet avec celui de notre personne.
  • Il faut prendre le temps de s’arrêter pour entendre ce que l’échec a à nous dire. Est-ce que mon échec me dit de continuer ou bien de bifurquer ?
  • Il faut bien se souvenir que les échecs que l’on rencontre alors qu’on a osé sont plus faciles à vivre que les échecs alors qu’on n’a pas osé. Etre vivant c’est oser ! Il vaut mieux échouer avec de l’audace.
  • Il ne faut pas trop être stigmatisé par les autres (la société, l’école, les professeurs, les parents). Il faut à la fois changer l’image de la société sur l’échec et changer son regard sur l’échec. C’est la peur de l’échec qui fait échouer.

 

Clara Giusti

front Photo by Steve Johnson on Unsplash 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *