Que faut-il penser du « phénomène » des Gilets Jaunes ?

En tant que « petit patron » entrepreneur, ma première réaction mi-novembre a été un certain agacement : je me trouvais en effet en déplacement dans la capitale des Gaules, pour assister-enfin- aux Entretiens de Valpré, une forme d’Université Hommes-Entreprises lyonnaise, organisée avec talent par l’ancien DG de l’Equipe (et son équipe !), François Morinière.

La veille de mon retour à Bordeaux (prévue samedi matin), ma voisine au déjeuner, très bien renseignée par la Préfecture, me conseille, par prudence, d’éviter les abords de l’aéroport de St Exupéry… à partir de 7 heures du matin !…

Impossible de réserver un taxi : me voilà coincé à 15km de Lyon et 45 min de l’aéroport !

Finalement, avançant mon réveil à 5h30, je passe sans difficulté en taxi devant les barrages pas encore organisés et arrive bien en avance pour le vol Lyon-Bordeaux…

J’étais loin de me douter de l’ampleur qu’allait prendre ce mouvement difficilement appréhendable, partant de la hausse du diesel et se poursuivant, samedi après samedi, en une sorte de manifestation nationale regroupant tous les déçus, frustrés, ou, plus profond, abandonnés de la société…

sous-estimation de la crise naissante

La sous-estimation manifeste par le gouvernement d’Edouard Philippe de l’ampleur de la crise ( refusant au passage la médiation précieuse et, dès le début, de Laurent Berger) n’a fait qu’empirer les choses et déclenché des réactions très vives: blocage de ronds-points, handicapant des magasins (mais aussi des petits commerçants), mettant au chômage partiel des salariés et éteignant les rêves de croissance de bons nombres d’entreprises qui voyaient enfin le bout du tunnel, après 5 années de gestion chaotique de la France…

Avenue de la Grande Armée, Paris, 12 janvier 2019- et Bordeaux -photos: Ch de La Chaise

Plus grave, le gouvernement semble n’avoir pas tenu compte des mises en garde répétées de l’ancien patron de l’Intérieur sur les risques de dérapage et de révolte… et s’est aperçu trop tard, que les manifestations à peu près contenues des Gilets jaunes étaient, à chaque fois, un bon prétexte aux bandes de casseurs, souvent très organisées, pour mettre à sac des quartiers entiers de grandes villes du pays.

considération et attention à l’autre

A l’approche de Noël, alors que le pays s’enfonce dans la crise et semble incapable de trouver des solutions de sortie, le bilan est lourd et l’addition, salée : pertes chez nombre de petits commerce, dégradations en masse de mobiliers, vitrines, voitures, …

 

 

Une discussion animée avec Marc, ami médecin en soins palliatifs à Bordeaux me fait également voir l’autre face de cette pièce qui se joue : la détresse et le dénuement extrême de personnes prises en charge par les médecins de son unité et surtout, leur souffrance de tant de manque de considération.

Cela n’amende en aucun cas les gilets jaunes les plus désespérés de cautionner les  nombreuses scènes de violence – pire, d’y participer!- scènes qui se déroulent, samedi après samedi, dans les grandes villes françaises (grandes villes? les casseurs et « gilets violents » seraient-ils sensibles à une opération marketing ne ciblant que les grandes villes « à la mode » comme Bordeaux, Toulouse, comme pour les punir de trop bien réussir ?)…

un pays béni des dieux

Considération, estime de soi, compassion, attention à l’autre : n’est-ce pas le premier enjeu de cette société aseptisée, normée, individualisée, sans liberté et sans hauteur d’âme que nous avons collectivement construite dans l’après-guerre, dans un pays pourtant envié à l’étranger et béni des dieux pour ses richesses ?…

Grand débat et démocratie participative

Dans cette perspective, la proposition d’Emmanuel Macron de débattre dans une forme de « démocratie participative » (rêve de Ségolène) des grands sujets : fiscalité, social, retraite, préservation de la planète est, à mon avis, une chance à saisir : pour nous, de nous exprimer sur des mesures concrètes, pour le gouvernement, de montrer qu’il n’est pas si coupé des Français : mais attention, ce genre d’exercice ne pourra souffrir de rester sans réponse et surtout sans décisions courageuses, pour le bien commun…

Mon expérience du Grand débat national sur les dépenses de l’état (on pourrait presque dire, sur : « comment réduire les dépenses de l’état ? » !…) , jeudi soir au Carré des Jalles de Saint-Médard m’a beaucoup intéressée : salle pleine (450 personnes) et bien aménagée, animatrice bénévole dans le juste ton, organisation parfaite (à partir d’un document pédagogique expliquant le coût exorbitant du déficit français, notamment par rapport à ses voisins européens et les solutions à proposer), participants dans l’ensemble vraiment respectueux des avis des autres et jouant le jeu des questions/réponses.

Un seul bémol pour ce débat très intéressant, où l’on a pointé le ruineux « mille-feuille administratif » de la France,… : il n’y avait… aucun jeune !… sont-ils à jamais désabusés par la politique?

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