Comme l’an dernier, l’automne 2012 semble être la période privilégiée pour nous appeler à nous concentrer sur les mauvaises nouvelles, à lire les titres de la presse économique : « chômage au-dessus des 10% », « moral des industriels au plus bas », « difficultés dans l’automobile… »

Nous avons donc le choix entre la résignation et, tel le marin sur son bateau en perdition, attendre sans bouger le naufrage, ou se concentrer sur notre potentiel.

L’ISEG ayant gentiment mis des invitations à ma disposition, c’est donc avec un intérêt particulier que je me suis rendu le week-end dernier à la Cité de la Réussite, qui se tenait une nouvelle fois entre les murs emprunts de tant de savoir de la Sorbonne et qui abordait un thème prometteur : « le Partage ».

Jacques Huybrecht et son équipe avaient une fois de plus réussi à réunir un foisonnement d’intellectuels, de chefs d’entreprise et de politiques de tous bords, tantôt en solo, tantôt en tables rondes.

Plutôt que de transcrire la teneur des 7 conférences et débats que nous avons suivis avec Anne, voici quelques idées et temps forts :

Vendredi 19 octobre – 14h38 – Dans le Grand amphi archi-comble de la Sorbonne, le charismatique Nicolas Hulot s’avance et salue le public.

 

Nicolas Hulot interrogé par A de St Simon à la Cité de la Réussite à la Sorbonne

crédit photo: Fabrice Gousset/Nicolas Souyris

J’ai eu l’occasion de rencontrer  le porte-étendard de l’écologie il y a quelques années, en mars 2006, à Bordeaux, lorsque nous préparions l’Université HE sur le développement responsable avec Hubert Reeves.

Il fait partie pour moi de ces personnalités connues qui savent rester accessibles, simples.

« Vous avez déjà l’accord d’Hubert Reeves, m’avait-il dit, il est bien plus pertinent que moi… »

A la Sorbonne, en l’écoutant parler, un peu mélancolique, de toutes ces années à nous sensibiliser à l’urgence de mieux traiter la planète et des échecs de Copenhague ou de la taxe carbone, j’ai l’effet d’un oiseau blessé…

Je pense également à l’erreur du parti écologiste de ne pas l’avoir choisi, lui, pour porter leurs couleurs à la Présidentielle !…

C’est un des participants qui, le remettant dans le contexte de ses succès, lui redonne un peu de baume au coeur : le succès du Grenelle de l’Environnement pour lequel il s’était tant battu, notre salle remplie comme un œuf étant une autre illustration.

Homme de conviction, de charisme, de passion, mais homme blessé…

Quel contraste avec une autre égérie de l’écologie, l’ex-championne de grandes courses de voiliers, Ellen MacArthur, le dimanche matin !

 

Ellen MacArthur à la Cité de la Réussite

Crédit photo: Fabrice Gousset/Nicolas Souyris

Avec l’assurance de ses 36 ans, elle nous explique dans un français quasi-parfait le chemin qui la mena des courses de grands voiliers (2ème au Vendée Globe, 1ère de la Route du Rhum en 2002, à … 26 ans !…) à l’économie circulaire.

L’important, dit-elle, c’est de se fixer un but : à 4 ans, mon rêve de petite fille était de faire le tour du monde ; à 10 ans, de faire des grandes courses à la voile.

En 2005, après avoir remporté le record du tour du monde à la voile, elle décide d’arrêter la compétition.

Quand j’étais seule sur mon bateau, à 1000 milles de toute terre habitée, dit-elle, je savais ne pouvoir compter que sur les seuls objets emportés à bord… alors, pourquoi, sur terre, l’Homme a-t-il besoin de toujours plus ?…

Cette prise de conscience, partagée par de nombreux autres skippers, l’amène à réfléchir durant 3 ans sur le moyen de consommer différemment et à rencontrer toute sorte de personnes : scientifiques, industriels, paysans, chercheurs, enseignants,…

Un jour, un fabricant de moquette lui raconte, que, lassé de vendre des moquettes qui étaient détruites une fois utilisée, il avait eu l’idée de concevoir des produits ré-utilisables plusieurs fois : non seulement le consommateur y trouvait une économie substantielle, mais son coût de fabrication était divisé par deux… et les moquettes usagées étaient recyclées…

Mieux que « gagnant-gagnant » !

La question de ré-utilisation passionne notre navigatrice ; c’est à l’encontre des usages des années 2000 où modernité est malheureusement associée à gâchis et « jetable » : j’achète le dernier I-phone d’Apple et …moins de 3 ans plus tard, ses fonctions principales ne sont plus fiables…

Paradoxe de notre société des micro-processeurs intelligents, où les appareils électroniques durent 2 à 3 fois moins longtemps que dans les années 70 !!…

Où le raffinement du marketing incite les fabricants à produire des machines à DVL (durée de vie limitée…)

Convaincue pourtant que développement durable (donc long terme) peut rimer avec économie, elle créée en 2010 une fondation, la Fondation MacArthur, dont les travaux débouchent sur le concept d’économie circulaire, où, dans la production, on intègre l’idée de durabilité : un produit va durer plus longtemps et sera recyclé, car il a été conçu dans cet esprit…

« The MacArthur Foundation supports creative people and effective institutions committed to building a more just, verdant, and peaceful world ».

Elle fait ensuite valider en 2012 ses analyses macroéconomiques et le potentiel de l’économie circulaire, par un des grands du conseil, le cabinet Mac Kinsey.

Les utilisateurs de demain ne sont pas oubliés: dès la rentrée 2013, un programme d’éducation ambitieux à l’économie circulaire sera proposé à un grand nombre d’écoles en Grande-Bretagne.

Le contraste entre la jeunesse de cette femme déjà connue aux quatre coins du globe et la maturité de son projet innovant, de son assurance également, est étonnant…

Le couple vision/volonté chez Ellen MacArthur est certainement pour beaucoup dans la réussite déjà impressionnante de cette femme, dont l’expression favorite sur son bateau était déja : « à donf ! » !…

Devant quitter avant la fin cette conférence passionnante et la « Cité de la Sorbonne » pour attraper une messe dominicale, je me dis que, si sombre est notre situation, tout est pourtant possible.

Notre pays qui, en perte de confiance depuis de nombreuses années, déçu par ses élites, a du mal à rebondir, peut faire valoir ses qualités évidentes de créativité, d’intelligence, de belles aventures collectives, témoin notre dernier prix Nobel de physique;

inspirons-nous de la force de la vision de cette championne d’outre-Manche et nous réussirons à rendre l’économie plus humaine et plus performante (et moins « financière »…)

un amphi bien rempli pour Ellen MacArthur- photo Ch de La Chaise

 

 

1 réponse sur « Le partage d’Ellen MacArthur »

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