18 juin – 19h00, Paris, à la terrasse d’un grand café devant la pyramide du Louvres.

Je suis attablé avec le rédacteur en chef d’un grand magazine économique devant un grand verre d’eau pétillante…

Mon interlocuteur, homme d’expérience, m’écoute attentivement exposer les raisons qui ont motivé la création du séminaire de réflexion sur la place de l’Homme dans l’entreprise, ou plutôt la place qu’elle devrait avoir…

Je sens chez lui une certaine réserve… et pour cause : de très nombreuses entreprises lui font à longueur d’année de beaux discours sur leur posture éthique, sur la façon dont ils ont intégré la R.S.E. dans leur politique, tant interne qu’externe, sur la place de l’humain dans leur organisation…

Du coup, je comprends mieux la position de certains de ses confrères, qui voyaient notre séminaire comme « une conférence de plus » sur la place de l’Homme dans les organisations…

Lecteur régulier de revues économiques, je ne peux qu’adhérer à la conscience professionnelle emprunte d’une certaine défiance vis-à-vis de ceux qui seraient tentés de faire du « human washing » !!

La difficulté pour les « chevaliers blancs » de la Responsabilité Sociale du dirigeant, c’est qu’elle repose avant tout sur les valeurs de ces dirigeants.

Pour moi, 3 catégories sont à distinguer ; j’enlèverais de ce classement les dirigeants étant déjà dans des situations dramatiques : trésorerie exsangue, chiffre d’affaires en chute, fournisseurs aux abois, salariés en sursis… car l’expérience montre qu’ils sont malheureusement trop sous stress pour trouver par eux-mêmes les bonnes solutions…

  1. Les dirigeants déjà convaincus que valoriser le capital humain, comme nous disons au CECA, c’est évidemment valoriser l’entreprise et les organisations ;
  2. A l’opposé du spectre, ceux qui ne le seront jamais : pas de jugement de valeur, les patrons « in-humains » réussissent parfois très bien : ils compensent par d’autres qualités : une  vision, une stratégie, une force commerciale, une capacité de travail hors du commun, parfois tout cela réuni dans la même personne, ce qui est une performance…
  3. C’est pour la catégorie intermédiaire, la plus nombreuse, que nous travaillons avec des rencontres  comme l’Université Hommes-Entreprises : celles et ceux, décideurs, qui pensent qu’il y a bien quelque chose à faire avec cet axiome de Jean Bodin : « il n’y a de richesses que d’hommes »… mais quoi ? et comment ? et avec qui ? et quand ?…

A mon interlocuteur, qui connaît parfaitement l’entreprise et ses rouages, je dis ma conviction que le postulat de départ, c’est que tout décideur soit convaincu, sans aucun doute possible, que capitaliser sur les hommes et les femmes de l’organisation, est une force encore insoupçonnée…

Je me souviens de la remarque d’un ami, il y a quelques années (avant la grosse crise que nous connaissons), qui me répondait : « on ne peut qu’être d’accord avec ton idée de remettre l’Homme au cœur de l’entreprise, mais que veux-tu que je fasse, moi, cadre gestionnaire dans une grande institution financière ?… »

On sentait évidemment l’impuissance, face à un système dépassant largement le cadre d’une entreprise, qu’elle soit industrielle, financière ou prestataire de services… un système ou bien souvent, on considère que le monde du travail, c’est « la loi de la jungle » ; et de citer souvent Dushmoll qui a réussit parce qu’il n’a pas hésité à « flinguer » Durand et Bertrand qui auraient pu lui faire de l’ombre…

De ce point de vue, le monde de nos politiques n’est pas en reste !…

Loi de la jungle, donc, car « l’homme est un loup pour l’homme ».

Et voilà ! tout est dit ! la formule du philosophe Hobbes ressurgit régulièrement pour justifier tous nos excès, tous nos croc-en-jambe, que ce soit dans le milieu de l’entreprise ou en politique…

La 18ème Université Hommes-Entreprises sera l’occasion de venir écouter le témoignage de Frans de Waal, l’un des plus éminents éthologues et primatologues actuels, qui s’érige vigoureusement contre ce dogme.

Voici ce qu’en dit dans « Surfer la vie », l’éminent Joël de Rosnay :

[quote style= »1″]Frans de Waal nous montre que de nombreux animaux sont prêts à prendre soin les uns des autres, à s’entraider et, dans certains cas, à se mobiliser pour sauver la vie de leurs congénères.[/quote]

De troublants exemples l’attestent : des dauphins qui soutiennent un compagnon blessé pour le faire respirer à la surface, des éléphants qui s’occupent avec beaucoup de délicatesse d’une vieille femelle aveugle,…

La plupart des êtres vivant seraient-ils « programmés » pour être empathiques, en résonnance avec les émotions des autres ? Cette résonnance est une réaction automatique, sur laquelle nous avons peu de contrôle.

Pour l’éthologue : [quote style= »1″]l’empathie est apparue dans l’évolution avant l’arrivée des primates : elle est caractéristique de tous les mammifères et elle découle des soins maternels.[/quote]

Frans de Waal

Il n’est pas étonnant que « l’Âge de l’empathie », le best-seller de F de Waal , ait fait l’effet d’une bombe lors de sa sortie aux Etats-Unis en 2005 : il remettait en cause une façon d’agir en se donnant une forme de bonne conscience : je ne veux pas marcher sur mon collègue, mais j’y suis obligé pour réussir, car l’entreprise (ou la politique), c’est du sérieux : c’est la loi de la jungle !!…

 

 

Conclusion :

  • Facteur d’espoir, d’optimisme aussi : ayons à l’esprit que la loi de la jungle dans l’entreprise n’est pas plus une réalité intangible que le monde des Bisounours !
  • Le climat de l’entreprise, notre capacité à faire influer le cours des évènements dans le bon sens, de créer un climat de confiance et de coopération sera en grande partie lié à notre croyance en l’Homme et à notre volonté.

1 réponse sur « Loi de la jungle ? »

j’aime bien cette image de Mowgli pour illustrer la loi de la jungle. La vraie loi de la jungle, celle dévoilée par Kipling, est faite de valeurs, de sens, de bienveillance, de recherche, d’écoute, de partage mais bien évidemment aussi de vigilance et de prudence.

nous sommes tous des Mowgli. Et non pas tous des Shere Kaan 😉

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