Dans le cadre de mes recherches sur « Progrès et sagesse » (prochain thème de notre Université Hommes-Entreprises) , j’ai eu le plaisir d’assister à un colloque particulièrement intéressant, organisé à Nantes par le docteur (neurologue) Grégoire Hinzelin.

Le thème, « le futur sans l’Homme ? », faisait évidemment référence à l’emprise de l’intelligence artificielle sur nos vies.

Lui-même scientifique au fait de l’évolution de l’intelligence artificielle, Grégoire Hinzelin avait fait appel à un panel de personnalités référentes sur le sujet :

  • Les philosophes Bertrand Vergely et Damien Le Gay
  • Le juriste Sébastien Fanti, connu pour s’être opposé à la déferlante Google en Suisse ;
  • Le prêtre Nicolas Buttet, fondateur de l’Institut Philanthropos
  • La journaliste Natalia Trouiller
  • Erwan Lauriot-Prevot, chef d’entreprise utilisant les techniques de l’I.A.

Futur de l’Homme et transhumanisme

Impossible de parler du futur de l’Homme sans parler du transhumanisme.

Les philosophes et les chercheurs s’accordent à distinguer le transhumanisme pour « réparer » et le transhumanisme pour « augmenter » la vie : passer par exemple d’une espérance de vie de 85 ans à 150 ou 200 ans.

Mais qu’est-ce que l’Homme pour les transhumanistes ? c’est une créature inachevée, un peu ratée.

La vulnérabilité de l’Homme n’est pas acceptable… d’où l’idée de travailler sur l’eugénisme, l’ensemble des recherches qui ont pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains et donc d’améliorer la race humaine.

Pour beaucoup, le terme d’eugénisme fait référence aux sinistres programmes appliqués pendant la dernière guerre par les nazis.

Les nazis avaient 2 types de programme :

  • Un programme d’eugénisme « positif » dit d’amélioration de la race destiné à favoriser la fécondité des humains considérés comme supérieurs
  • d’autre part un « eugénisme négatif », dit de défense raciale, destiné d’abord (dès 1933) à éliminer des maladies héréditaires, puis tout groupe humain considéré comme racialement inférieur ou encore socialement indésirable.

L’exemple de l’extrémisme nazi montre bien qu’eugénisme associé à pouvoir dominant et sans partage (dictature d’un gouvernement ou, pourquoi pas, pouvoir d’un ensemble de grandes entreprises en situation dominante : GAFA ou BATX) créent les conditions d’une société où la dignité humaine est bafouée.

Voici ce qu’en dit un écrivain pourtant peu suspect d’être catalogué « bio-conservateur » (l’insulte suprême des transhumanistes), Frédéric Beigbeder, dans son dernier livre « une vie sans fin » :

« La création d’une race supérieure biologiquement augmentée est constitutive du rêve eugéniste nazi. Ici, Beigbeder cite un dirigeant que l’on pourrait prendre aisément pour Ray Kurtweil (qui prédit le téléchargement du cerveau humain), ou Elon Musk, mais qui n’est autre qu’Hitler :

« Mon but ultime est de créer une race nouvelle, par une opération divine, une mutation biologique qui surpassera la race humaine, en lui conférant l’apparence d’une race nouvelle de héros, à moitié dieu et à moitié homme. »

Le rêve des transhumanistes est donc un rêve de puissance, d’Homme qui touche à la perfection et qui serait éternel.

Ce rêve de perfection est déjà devenu une froide réalité, quand Laurent Alexandre nous apprend qu’on a déjà éliminé 98% des trisomiques prédictifs…

L’énoncé de ces chiffres terribles, comme s’ils n’étaient dus qu’à la fatalité, ou, pire, à la pression de la toute puissante technique, me rappelle un témoignage saisissant, rapporté par un professeur de médecine enseignant l’embryologie à Cincinnati, le professeur Varkany.

« Une nuit, celle du 20 avril 1889, mon père, qui était médecin à Braunau en Autriche, fut appelé pour deux accouchements.

Pour l’un, c’était un beau garçon qui hurlait très fort, pour l’autre, une pauvre petite fille… elle était trisomique.

Mon père a suivi la destinée de ces deux enfants.

Le garçon eut une carrière extraordinairement brillante ; la fille connu un destin assez sombre.

Pourtant, quand sa mère fut atteinte d’hémiplégie, cette fille, dont le quotient intellectuel était médiocre, a tenu la maison avec l’aide des voisins, et donné quatre années de vie heureuse à sa mère grabataire.

Le vieux médecin autrichien ne se souvenait plus du nom de la petite fille, mais il n’a jamais oublié celui du petit garçon : il s’appelait Adolf Hitler. »

Jean Vanier, qui a consacré sa vie à accueillir et à aider les exclus, en particulier les handicapés mentaux, écrivait :

« Nous ressentons tous un malaise… pourrait-il en être autrement dans un monde qui ne fait qu’exalter la force, la productivité, la performance, la beauté physique ?

Chaque être humain est important, même celui qui nous dérange, qu’il soit malade, âgé, handicapé, SDF ou immigré… »

Il rappelait l’émouvante et terrible conclusion d’une personne trisomique qui lui a dit :

« Si je devais naître aujourd’hui, on me tuerait ».

 

Fragilité et humanité

Pour Nicolas Buttet également, être mortel, c’est être fragile et la fragilité, c’est ce qui nous apprend à être dépendant des autres et donc ce qui nous relie à l’autre.

Si nous perdons la fragilité, nous perdons ce qui nous relie à l’autre.

La vraie question de civilisation, c’est : chaque personne est-elle importante et sacrée, ou bien, seulement celle qui peut être performante ? et où est la limite ?…

Cette question, et bien d’autres sur l’incidence de la technologie sur la nature humaine seront au centre de nos réflexions lors de notre 24ème Université Hommes-Entreprises les 30 et 31 août 2018.

 

Front Photo by Steve Halama on Unsplash

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